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gloire. Et cela vaut mieux ainsi. Ne fût-ce que pour satisfaire en nous je ne sais quel désir inné de synthèse et de personnification ; pour sauver en quelque sorte de l’incertitude et de l’anonyme l’hommage de notre admiration et de notre reconnaissance, il nous plaît de rapporter une grande œuvre au génie d’un seul homme, et que les rayons qu’on nous disait épars finissent par ne former qu’une auréole, autour d’un même front.

Et puis, dans une nouvelle étude sur saint Grégoire, nous pouvons, à l’heure où nous sommes, trouver quelque chose d’actuel et de vivant. Le successeur aujourd’hui régnant du Pontife musicien offre avec lui plus d’un trait de ressemblance. Le jour, que nous souhaitons lointain, où l’histoire s’occupera de Pie X, elle le rangera, comme saint Grégoire, parmi les chefs du peuple de Dieu que l’Ecclésiaste a nommés « viros gloriosos et parentes nostros… in peritiâ sud requirentes modos musicos. » Comme l’abbé du Cœlius et l’archidiacre de Rome avant son élévation au trône, le patriarche de Venise, avant la sienne, a préparé cette harmonieuse recherche. Depuis qu’il a ceint la tiare, les plus graves soucis, les angoisses les plus pressantes ne l’en ont pu détourner. Mais il ne s’est pas contenté de rechercher les « modes de la musique. » Il a résolu de les rétablir. Nous gardons l’espoir avec lui qu’à défaut de l’obéissance, qui tarde, la nécessité prochaine, ou déjà présente, secondera sa volonté. Au surplus, pas un élément, pas un titre ne manque au Souverain Pontife pour mener à bien la réforme entreprise, ordonnée, et qui s’accomplira. Le Saint-Père unit à toute l’autorité toute l’expérience. Familier avec la tradition et la doctrine, la pratique même ne lui est point étrangère. Cantorum studiosissimus, pourrait-on l’appeler, comme son illustre et lointain devancier. Il suffit d’avoir entendu le Pape, ne fût-ce que dire la messe, mais la chanter surtout, pour n’oublier jamais tout ce qu’il y a de profond et de plein, d’oratoire et de musical ensemble dans le timbre et le rythme, dans l’accent et les modulations de sa voix. Peu de jours après que le cardinal Sarto fut devenu Pie X, un des premiers pèlerins qu’il daigna recevoir se permettait, parlant musique avec lui, de s’étonner qu’il n’eût pas choisi le nom de Grégoire. Avec une touchante humilité, le Saint-Père s’en excusa ; mais il l’aurait porté dignement.

Autour de saint Grégoire, l’historien de sa vie et de son art, — car on peut vraiment l’appeler sien, — a groupé les idées et les faits suivant une ordonnance harmonieuse et forte. Surtout il a su démêler, sans en dissiper le prestige lointain, le mystère des origines. Historien, c’est bien le titre auquel M. Gastoué semble tenir le plus. Il s’en