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ressemblance, allant presque jusqu’à la similitude, entre un couplet de chanson, découvert il y a quelque vingt ans, gravé sur une pierre tombale à Tralles, en Asie Mineure, et l’antienne Hosanna prescrite le jour des Rameaux par la liturgie romaine. Et pour n’être qu’un argument, ou mieux un exemple particulier, cette citation n’en est pas moins propre à nous faire reconnaître, toucher en quelque sorte du doigt la troisième et dernière source d’où le chant grégorien est primitivement dérivé.

Toutes les trois, il est vrai, ne sont point également pures ; ou plutôt, il n’est pas une des trois qui soit d’une parfaite pureté. Mais il semble par là que même aux principes, aux formes de sa musique, le christianisme ait voulu étendre le caractère de la rédemption. Il a véritablement racheté le chant de l’Église nouvelle et de la gentilité, et de la corruption des sectes superstitieuses, et de l’imperfection de l’ancienne Loi. Dans cette opération trois fois salutaire on peut trouver une triple leçon. L’origine hébraïque du chant chrétien confirme, nous le disions plus haut, une parole de Jésus. Son origine gréco-romaine peut passer pour un signe ou pour un mémorial de la vocation des Gentils. Plus suspecte encore, son origine gnostique, ou magique, nous apparaît comme un symbole, dans l’ordre des formes sensibles, de la justification et de la miséricorde. Et puis, et surtout, nous pouvons reconnaître ici la démarche habituelle du génie de l’Église, le don merveilleux et vraiment divin qu’elle a reçu de s’approprier, pour en vivre d’une vie renouvelée et plus riche, les élémens étrangers, contraires même, et dont on aurait pu craindre qu’elle ne risquât de mourir. En tout temps, en toute chose, elle a construit ainsi ses propres édifices avec les ruines que ses victoires avaient faites. C’est bien ici le lieu de rappeler le triomphant exorde de Bossuet : « Nous lisons dans l’histoire sainte que le roi de Samarie, ayant voulu bâtir une forteresse qui tenait en crainte et en alarme toutes les places du roi de Juda, ce prince assembla son peuple et fit un tel effort contre l’ennemi, que non seulement il ruina cette forteresse, mais qu’il en fit servir les matériaux pour construire deux citadelles, par lesquelles il fortifia sa frontière. »


II

Nul n’ignore, et M. Gastoué n’a pas eu besoin d’y insister longuement, les caractères généraux du chant ecclésiastique ainsi constitué. Sans doute il ne resta point immobile et rigide. A plus d’une reprise,