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théorie et les théoriciens de l’art grégorien, enfin le développement et la fixation du répertoire liturgique.

Mais la critique, au moins la nôtre, ne saurait prendre, ou reprendre les choses avec la même ampleur. Il y faudrait l’article, parfois technique, d’un savant pour des savans. Et cet article-là, vous le liriez sans aucun doute ; mais il ne nous appartient pas de l’écrire. C’est pourquoi nous ne souhaitons ici que de résumer d’abord, à propos des origines du chant grégorien, deux ou trois notions historiques, puis de rappeler, devant un nouveau portrait de saint Grégoire, les traits principaux de cette grande figure.


I

Le chant grégorien a trois antécédens. Par leur rencontre et leur mélange, trois élémens l’ont constitué : le premier est hébraïque, le second peut s’appeler gnostique, d’un nom que nous expliquerons tout à l’heure, et le troisième est gréco-romain.

On ne saurait douter qu’à l’origine, les formes du culte chrétien n’aient offert la plus étroite et d’ailleurs la plus naturelle analogie avec celles du culte israélite. L’Évangile d’abord, puis les Actes des apôtres nous attestent l’existence et la persistance aussi de cet inévitable rapport. Après le Christ, et comme il avait fait lui-même, ses premiers disciples montaient au Temple pour prier. Hors de Jérusalem, c’est à la synagogue qu’ils portaient premièrement « la bonne nouvelle. » Entre l’« office » hébraïque et celui des chrétiens une seule différence existait d’abord, mais capitale : après la célébration du culte extérieur qui leur était commun avec les Israélites, les fidèles se réunissaient chez l’un d’entre eux, afin de procéder à l’oblation, à la consécration et à la consommation du pain et du vin, à ce mémorial de la Cène, en quoi l’essence même du sacrifice de la messe consiste encore aujourd’hui.

Peu à peu l’agrégation à la communauté naissante de païens toujours plus nombreux, qui ne pouvaient participer aux rites hébraïques, la scission croissante entre les juifs convertis et les autres, sépara de plus en plus la Synagogue et l’Église. Mais celle-ci n’en continua pas moins d’envelopper en quelque sorte la substance de son office propre, des accessoires anciens : prédications, prières, chant des Psaumes ou d’autres cantiques empruntés à l’Écriture. Et c’est de ce mélange, ou de cette harmonie, où la nouveauté s’unissait avec la tradition et les souvenirs, que la liturgie chrétienne se forma.