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rebuffades, des offenses même : « Vous êtes des machines à voter et à cotiser, des bonnes pâtes de bourgeois, des révolutionnaires métaphysiciens, » autant dire des révolutionnaires en robes de chambre et en pantoufles. Il leur a enfin posé cette question : « Que feriez-vous si nous demandions l’arbitrage auquel votre gouvernement refuserait de consentir ? » Silence des Allemands. « Allez ! vous n’êtes bons qu’à obéir comme des cadavres à votre Kaiser Bebel ! » Ici les délégués allemands se sont levés comme un seul homme, secoués à la fois par la surprise et par l’indignation que leur causait un pareil langage.

M. Jaurès, que le discours d’Hervé avait au contraire plongé dans le ravissement, et qui sans doute ne désapprouvait pas ses invectives, blâma cependant, de même qu’à Nancy, ses paradoxes. Il dit aux Allemands qu’il tenait plus à l’esprit qu’à la lettre de la motion française, ce qui impliquait l’abandon des termes de grève et d’insurrection, qu’il s’agissait d’empêcher que la bourgeoisie n’eût le droit de proclamer la faillite de l’Internationale.

Vollmar se montra encore plus sévère pour Hervé que ne l’avait été Bebel. Il rendit à juste titre M. Jaurès responsable de la présence d’Hervé dans le parti d’où il devait être exclu. On ne saurait empêcher la guerre par d’enfantines conspirations de caserne. La guerre est compromise par la croissance même des armées. Il faut s’adresser à l’opinion, laisser aux Allemands le choix des moyens, faire une propagande pacifique. Vollmar, ancien officier, répudia toute action positive contre la guerre.

L’Autrichien Adler, qui sut si bien conduire son parti à une brillante victoire électorale, a constaté que les Français n’ont de goût que pour une politique décorative. Jaurès a dit : Nous voulons joindre à l’action parlementaire l’action hors du Parlement. Les Autrichiens ont suivi la méthode inverse. Ils ne font plus que de la politique parlementaire. La sympathie d’Adler pour les Français est en raison de la distance kilométrique qui les sépare. La conception antimilitariste des Allemands et des Autrichiens n’a aucun rapport avec l’hervéisme. Il ne s’agit pas de désorganiser l’armée, il faut la gagner, en y introduisant des socialistes en nombre croissant, en la transformant peu à peu en une armée prolétarienne. En cas de guerre, on ne peut savoir d’avance ce qu’on serait capable de faire. L’important, c’est l’édu-