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sont révélés profondément apathiques. M. Griffuelhes, envoyé en mission à Berlin pour organiser une entente avec les syndicats allemands, en vue d’une démonstration commune, a été éconduit, et il est revenu bredouille. M. Jaurès, au dire d’un socialiste italien, M. Claudio Trêves, encourait une lourde responsabilité, par le secours qu’il apportait à la diplomatie allemande, tandis qu’aucun social-démocrate ne songeait à procurer un appui équivalent à la diplomatie française.

Il s’agissait de faire sortir les Allemands de leur inertie et de leur torpeur, si compromettantes pour les antimilitaristes français, d’obliger ces Allemands si lourds et si forts à se mettre enfin en branle, avec leurs 500 000 adhérens et leurs 1 500 000 syndiqués, à prendre, en cas de guerre, devant le Congrès, un engagement solennel, tout au moins d’obtenir d’eux une affirmation de principes qui les lie pour l’avenir.

C’est pourquoi, aux Congrès de Limoges et de Nancy, les socialistes français avaient discuté la motion qu’ils comptaient présenter à Stuttgart. Malgré l’opposition de M. Guesde qui combattait toute action antimilitariste séparée, toute intervention socialiste, et voulait qu’en cas de guerre les camarades remplissent leur devoir de soldats, sauf à entreprendre la révolution après, — M. Jaurès et M. Vaillant faisaient voter une formule qui préconisait, en cas de guerre offensive, l’insurrection et la grève ouvrière. C’était une concession aux idées régnantes dans la Confédération du Travail. À la veille du Congrès de Stuttgart, M. Vaillant conjurait Bebel de se rallier à la décision de Nancy. Bebel fit la sourde oreille.

Trois motions étaient en présence. Celle des Français déclarant qu’un pays attaqué a le droit de compter sur le concours de la classe ouvrière de tous les pays, et ajoutant qu’il faut employer, pour prévenir la guerre, tous les moyens, « depuis l’intervention parlementaire jusqu’à la grève ouvrière et l’insurrection. » Les Allemands se contentaient de dire : « Quand une guerre menace d’éclater, les travailleurs des pays concernés et leurs représentans sont obligés de faire tout leur possible pour éviter que la guerre n’éclate, en recourant aux moyens qui leur semblent les plus efficaces, et dans le cas où elle éclaterait quand même, ils devront faire en sorte qu’elle prenne fin rapidement. » Remarquez le vague de cette formule bénigne, son élasticité : faire son possible, faire en sorte. Enfin, les Belges