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éclaircir et de les soumettre de nouveau au Congrès de Stuttgart. Sur la question coloniale les deux tendances s’y sont heurtées. Les plus modérées ont prévalu dans la Commission, mais elles ont été corrigées par le Congrès.

La cause naturelle de la colonisation, la nécessité pour les États surpeuplés, tels que l’Allemagne et le Japon, de déborder hors de leurs frontières, a été à peine indiquée par les orateurs. L’une des raisons pour lesquelles les socialistes n’aiment pas la politique coloniale est qu’elle joue pour ces États le rôle d’une soupape de sûreté. Il nous souvient qu’un conseiller municipal de Paris se déclarait contre la pénétration des grandes compagnies de chemin de fer au cœur de Paris, parce qu’elle amènerait l’émigration, dans la banlieue, des électeurs mécontens entassés dans leur quartier. Il y a quelque chose de ce sentiment, plus ou moins conscient, chez les socialistes. Ils n’ont pas intérêt à ce que les classes ouvrières soient trop prospères, trop satisfaites.

Les orateurs radicaux du Congrès-ont apporté sur cette question des argumens primitifs. Pour M. Quelch, un Anglais, membre de la Socialdemocratic Federation, colonisation est synonyme d’exploitation, et exploitation n’a d’autre sens qu’extermination. M. Quelch s’est élevé contre la proposition faite au Congrès de demander dans les parlemens une législation internationale protectrice des indigènes : « C’est folie de croire que les gouvernemens consentent, lorsque nous voyons à La Haye siéger cette assemblée capitaliste qui n’est autre chose qu’une réunion de voleurs et de bandits. Ils n’ont d’autre but que de se mettre d’accord, pour chercher le moyen de réduire les frais de leurs vols et de leurs brigandages[1]. » L’Américain Simons constata de même que les États ne colonisent que pour le profit, que profit est synonyme de domination, et que la domination, c’est le meurtre. Les États-Unis ont envoyé aux Philippines des maîtres d’école escortés de mitrailleuses qui soulignaient leurs leçons. — Les mêmes choses ont été dites de façon moins imagée, par le député allemand Ledebour, le Polonais Karski, le Français Bracke. Nous avons été surpris d’en-

  1. Après des explications et des sortes d’excuses jugées insuffisantes, M. Quelch fut prié par le gouvernement de quitter le Wurtemberg, pour le punir d’avoir employé des expressions sans nuances et négligé le précepte suaviter in modo.