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qu’il y avait un simple malentendu. Les délégués des Trade-Unions ont confondu guerre de classes (class war) et lutte de classes (struggle of classes). Le socialisme international se contente du struggle. Toutes les fois que les ouvriers combattent pour de plus hauts salaires, ils appliquent, d’après M. Vandervelde le principe de la lutte de classes. Mais cette interprétation n’est nullement conforme à l’orthodoxie marxiste, et le Bureau international, qui joue le rôle de suprême instance, a obligé son président à déclarer qu’il n’avait parlé qu’en son nom personnel. Les délégués des Trade-Unions n’ont été maintenus que par tolérance pure. La doctrine les exclut virtuellement.

Voici cette doctrine, telle qu’elle a été exposée par le rapporteur Beer, un Autrichien, et appuyée par le Belge de Brouckère, spécialiste en la matière. Il est indispensable que l’organisme syndical créé pour la lutte économique, et l’organisme politique voué à la lutte électorale, s’unissent, se secondent, se complètent l’un l’autre. Les syndicats imprégnés de l’esprit socialiste se garderont d’imiter les Trade-Unions anglaises qui ne visent qu’à améliorer les conditions du travail et à obtenir de plus hauts salaires. Ils doivent se placer toujours sur le terrain de la lutte de classes, en vue de l’abolition de l’ordre capitaliste et de la socialisation des moyens de production. S’il importe que les syndicats restent autonomes dans leur mouvement d’émancipation économique, ils ne sauraient assez se pénétrer de l’idée socialiste. Beer propose à ce sujet l’exemple de l’Autriche où Parti et syndicat coopèrent sans que jamais l’action qui leur est propre y soit gênée. Ils vivent dans le plus parfait accord.

Cette règle impérative d’intime collaboration entre socialistes et syndicalistes condamne les trade-unionistes d’extrême droite, et leur fausse conception de la lutte de classes, simplement réformiste et aussi les syndicalistes révolutionnaires d’extrême gauche, qui donnent à la lutte de classes un sens hostile à toute action légale et parlementaire exercée par le parti socialiste, dont ils se séparent en traduisant lutte de classe par action directe exclusive.

Les théoriciens et les praticiens de cette école se rencontrent surtout en France et en Italie. Ces théoriciens, M. G. Sorel, un des plus savans interprètes du marxisme, M. H. Lagardelle, directeur du Mouvement socialiste, rappellent la parole de Marx : « L’émancipation des prolétaires doit être l’œuvre des prolétaires