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Tous les programmes s’en sont inspirés. En même temps que les idées, l’Allemagne distribue des subsides. Le parti naissant, en France, a vécu quelque temps grâce à cette aide. Les révolutionnaires russes ont reçu des Allemands plus de trois cent mille marks. Tout récemment, l’Humanité, le journal de M. Jaurès, tombée en détresse, a été gratifiée d’un don de vingt-cinq mille marks. Par son dogmatisme, son organisation, sa discipline, sa fiscalité, son budget annuel de 1 700 000 marks, sa propagande, sa force de recrutement, la social-démocratie s’offre en modèle aux socialistes de tous les pays. En 1880, le nombre des voix socialistes recueillies aux élections des autres parlemens, s’élevait à 438 231 ; et les social-démocrates allemands en comptaient à eux seuls 437 158 : ils forment encore aujourd’hui le groupement prolétarien le plus puissant qui soit au monde : tel un géant entouré de nains. Ils résistaient héroïquement, dix années durant, à la loi draconienne que Bismarck avait fait voter contre eux et ils assistaient à sa chute. Malgré le nombre croissant de leurs députés, leur influence politique au Reichstag restait, à vrai dire, absolument nulle. Mais les suffrages électoraux qu’ils recueillaient progressaient si rapidement (un million d’électeurs gagnés, d’une législature à l’autre, en 1903), qu’ils regardaient comme peu éloigné le jour où ils deviendraient les maîtres de l’Empire, les maîtres du monde.

On conçoit quelle autorité leur donnait ce prestige dans les congrès internationaux, à Bruxelles, en 1891 ; à Zurich, en 1893 ; à Londres, en 1896 ; à Paris, en 1900 ; à Amsterdam, en 1904. Soucieux, au plus haut point, d’éliminer les anarchistes de leur parti, toute violence étant de nature à susciter contre eux de formidables représailles, ils les combattirent à outrance. Les anarchistes sont les bêtes noires des social-démocrates allemands, au même titre que tous les cerveaux brûlés. Les anarchistes cherchaient à se servir des congrès comme moyens d’agitation et ils trouvaient des partisans dans les syndicats. Adversaires irréductibles du parlementarisme, ils s’appliquaient à empêcher les congrès de prendre des décisions en faveur des lois de protection ouvrière, susceptibles d’endormir les énergies révolutionnaires du prolétariat. Les Marxistes allemands les exclurent définitivement des congrès internationaux. La reconnaissance de l’action parlementaire de la part des organisations