Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/401

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la classe la plus nombreuse à la moins nombreuse, du paysan des communes au propriétaire foncier, partant de la propriété collective à la propriété individuelle héréditaire. Et comme la troisième Douma sera naturellement à la ressemblance des assemblées électorales dont elle émanera, le gouvernement espère qu’au lieu d’être, comme ses deux aînées, composée, pour près de moitié ou pour un bon tiers, de paysans et d’hommes du peuple, elle sera en grande majorité formée de propriétaires, de conservateurs par situation sociale, d’adversaires de la Révolution et du socialisme.

La majorité dans presque toutes les assemblées électorales sera bien aux propriétaires. Voici le gouvernement de Nijni-Novgorod, par exemple : les délégués des paysans, en 1905 et 1906, étaient 42 ; ils ne seront plus que 21. Les propriétaires comptaient 30 voix ; ils en auront 50. Voici encore le gouvernement de Riazan : les électeurs paysans étaient 54, ils ne seront plus que 24, tandis que les propriétaires qui n’étaient que 40 passeront à 52. La proportion est renversée. Dans l’ensemble de la Russie, les nouveaux règlemens donnent aux paysans 1 147 voix au lieu de 2 535 : ils attribuent aux propriétaires fonciers 2 644 suffrages au lieu de 1 965. Les premiers ont perdu plus de la moitié des voix dont ils disposaient, les seconds ont gagné plus de 30 pour 100. Tout l’équilibre des assemblées électorales en est bouleversé ; la majorité passe d’un pôle à l’autre. Il faut se rappeler cependant que la population urbaine, divisée par le cens en deux curies, a, elle aussi, ses représentans, qui parfois décideront de la majorité. La population des villes garde 1 258 suffrages ; elle en avait, aux élections précédentes, 1 338. Elle a donc peu perdu ; elle se trouve même avoir aujourd’hui plus de délégués que les paysans ; mais en ses collèges électoraux les influences conservatrices ont été renforcées. Outre les délégués des deux curies urbaines, il y a encore ceux des ouvriers de l’industrie ; ils ne disposent guère que d’une ou de deux voix par gouvernement, en tout de 112 suffrages.

La loi de 1907 a donc bien tout calculé pour assurer la prédominance aux propriétaires fonciers des campagnes ou des villes. Et quand on descend aux détails de la loi, on découvre qu’ils sont combinés de façon à donner la prépondérance non seulement aux propriétaires, mais aux grands propriétaires. C’est ainsi que les représentans de la propriété rurale individuelle se