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mécanique électorale ; toutes les pièces concourent au but.

L’ancienne loi, rejetée après moins de deux ans d’application, octroyait aux paysans le droit d’avoir, en chaque province ou goubernie, un député particulier de leur classe. Ce droit, le législateur anonyme de 1907 (M. Kryjanowsky, adjoint du ministre de l’Intérieur, assure-t-on) s’est bien gardé de l’enlever aux moujiks ; ils le conservent au moins nominalement ; mais, dorénavant, les paysans ne seront plus seuls à élire les députés paysans. Selon la loi de 1905, les électeurs des diverses curies, une fois réunis au chef-lieu de gouvernement, les délégués des paysans commençaient par élire seuls le représentant particulier de leur classe ; puis, cette première désignation faite, ces délégués paysans prenaient, comme les autres électeurs, part à l’élection des autres représentans de la province, tous nommés au scrutin de liste. C’est ainsi qu’il a été procédé pour les deux premières Doumas. Comme l’élection du député spécial des paysans précédait toutes les autres, et que la loi de 1905 donnait, presque partout, aux moujiks la prépondérance dans l’assemblée électorale, il n’était pas rare que cet élu des paysans jouât, en fait, le rôle de grand électeur. Les moujiks qui venaient de le nommer étaient enclins à voter de confiance pour la liste qu’il leur recommandait. C’était là un des principaux défauts de la loi ancienne ; elle aboutissait, dans un pays déjà de peu de culture intellectuelle, à l’assujettissement des assemblées électorales aux représentans de la classe la moins cultivée. Ce défaut, la loi de 1907 l’a écarté, mais non sans risquer de tomber dans l’extrême opposé. Les paysans ne sont plus seuls à nommer le député particulier de leur classe ; ce député doit toujours être pris parmi eux, mais il est élu par tous les membres de l’assemblée électorale ; et dans cette assemblée, ce ne sont plus, comme naguère, les paysans, ce sont d’habitude les propriétaires fonciers qui auront la prépondérance numérique. Il en résulte, selon une remarque de M. Maxime Kovalewsky, que ce ne seront plus les paysans qui choisiront les « barines ; » ce seront plutôt les anciens seigneurs qui choisiront jusqu’aux députés paysans.

On sent la différence ; tout en conservant les cadres électoraux de la loi ancienne, le vote par groupe social, le suffrage à plusieurs degrés, le scrutin de liste, la loi de 1907 en a, par d’habiles retouches, complètement modifié l’économie, et par suite les résultats probables. La loi a su faire passer la prépondérance