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se présenter au pays et à l’Europe comme les seuls défenseurs de la liberté religieuse[1].


IV

Il y a des contrées de l’Empire encore plus durement atteintes par la nouvelle loi électorale que la Pologne ou le Caucase qui perdent les deux tiers de leurs députés. C’est ainsi que le Turkestan et la province de Yakoutsk ne seront plus représentées au Parlement russe, « la population, dit la loi de 1907, n’y ayant pas atteint un développement suffisant. » Sur ce point, il est malaisé de critiquer la nouvelle législation. Quelque sagesse qu’ait montrée, aux deux premières Doumas, le groupe musulman, le Turkestan et les régions asiatiques analogues ne sauraient en vérité être considérés comme mûrs pour le régime constitutionnel. Ce sont là, pour la Russie, des colonies ou des possessions lointaines auxquelles le mieux serait d’accorder des institutions spéciales, avec un gouvernement fort et impartial, assisté de Conseils qui pourraient être électifs, mais dont les attributions ne devraient être étendues que peu à peu, suivant les progrès économiques et intellectuels du pays. Nous savons nous-mêmes en France, par notre propre expérience, que le Parlement métropolitain ne gagne pas toujours à être ouvert aux représentans de colonies lointaines, d’autant que ces derniers n’y représentent souvent que la fraude, la violence ou la vénalité, — à moins qu’ils ne soient tout bonnement les délégués de l’administration.

Si, pour le nombre et la répartition des députés, les provinces européennes foncièrement russes semblent favorisées par la loi de 1907, elles n’en ont pas moins protesté contre la nouvelle distribution des sièges, contre la délimitation arbitraire des circonscriptions, surtout contre la composition des assemblées électorales et les changemens du mode de suffrage.

Un des défauts de la loi édictée sous le ministère Witte, c’était sa grande complication. Peut-être n’en pouvait-il être autrement dans un État aussi complexe que l’Empire russe, dès

  1. A l’heure même où nous corrigeons les épreuves de ces pages, le nouveau pogrom d’Odessa, le pillage et le massacre des juifs par les « bandes noires » affiliées aux « Hommes russes » montrent une fois de plus les dangers que fait courir à l’ordre public l’intolérante propagande de la Ligue.