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à Pétersbourg, un des ministres du Tsar, l’empereur Guillaume II n’est peut-être pas sans influence sur l’empereur Nicolas II ; mais si le Kaiser a quelque ascendant sur son cousin, ce n’est certes pas pour ce qui touche l’alliance et la politique extérieure. » C’était là, semble-t-il, le mot d’ordre, reproduit par la presse officieuse, au moins avant qu’à la fastueuse entrevue de Swinemunde, au commencement du mois d’août, chacun des deux souverains se fit accompagner de son ministre des Affaires étrangères.

Affirmer qu’entre les deux empereurs il n’était pas question de politique étrangère, autrement que pour l’affermissement de la paix universelle par le maintien des alliances existantes, c’était faire supposer aux Russes que, dans ces entretiens impériaux, il pouvait avoir été question de leurs affaires intérieures. A toute autre époque, les « vrais Russes » se seraient indignés de la seule perspective d’une apparente immixtion d’un souverain étranger dans les affaires de l’Empire. Aujourd’hui, ils sont moins susceptibles ; ou mieux, leurs passions ont détourné leurs défiances et leurs antipathies de l’autoritaire Allemagne vers des États moins conservateurs. La République française est, depuis ces dernières années, l’objet habituel de leurs suspicions ; c’est de leurs rangs que sont récemment parties les sournoises suggestions contre l’alliance. Ils savent du reste, comme tout le monde autour d’eux, que si la diplomatie allemande ou si les avis personnels de l’empereur Guillaume ont quelque poids à Pétersbourg et à Péterhof, ils pèsent, sur un point au moins, dans le même sens que les efforts de la Ligue du peuple russe. On ignore quels sont les impulsions ou les encouragemens que, dans le secret de leur correspondance ou dans l’intimité de leurs entrevues, la remuante activité et la robuste confiance en soi de l’empereur Guillaume ont pu donner aux défiantes incertitudes du Tsar qui persiste à s’intituler autocrate de toutes les Russies. On sait mieux quelles réflexions peuvent suggérer au prisonnier volontaire de Péterhof les actes et les exemples de l’énergique et impérieux Kaiser allemand.

A en croire plus d’un Russe, comme à en juger par les faits eux-mêmes, il se peut que, tout en faisant obstacle aux vœux des constitutionnels démocrates et des libéraux de Russie, l’ascendant de Potsdam sur Péterhof ne s’exerce pas toujours contre tout régime constitutionnel. L’empereur Guillaume II lui-même