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montrera s’il s’est trompé. En attendant, la loi acceptée, sinon préparée par lui, équivaut à une révolution constitutionnelle. Elle a changé, du tout au tout, les conditions de la lutte. La majorité des deux premières Doumas, soutenue par le sentiment populaire, ne dissimulait pas ses préférences pour le suffrage universel égal et direct. À ces vœux, à nos yeux téméraires, le gouvernement a répondu en restreignant le droit de suffrage, en diminuant le nombre des électeurs et des élus, en favorisant certaines classes aux dépens des autres. L’économie de la loi en a été bouleversée ; tout y a été minutieusement calculé pour écraser les influences révolutionnaires et fortifier les influences conservatrices. Si, avec un instrument pareil, le gouvernement ne réussit pas à se procurer une Chambre gouvernementale, ce sera que la Russie contemporaine est tout entière possédée de l’esprit d’opposition.

Veut-on se rendre compte des tendances qui prévalent autour de l’empereur Nicolas II, en même temps que des combinaisons et des chances des partis ? Il convient d’examiner de près cette loi électorale d’où va sortir la nouvelle Douma.


II

La loi depuis 1907 a d’abord diminué le nombre des députés. De 524, le nombre total des représentans de toutes les provinces de l’immense Empire se trouve abaissé à 442, soit à un chiffre inférieur à celui des Assemblées électives de la plupart des grands États de l’Europe. La réduction ne mériterait guère d’être signalée, si elle avait porté également sur toutes les régions de l’Empire, d’autant que moins nombreuses sont les assemblées, moins tumultueuses et plus sérieuses semblent les discussions. Ce qui fait l’importance de cette réduction, ce qui en révèle le but, c’est qu’elle atteint presque uniquement certaines provinces et certaines catégories d’électeurs.

Deux choses frappent surtout : la diminution du nombre des députés accordés aux villes ; celle du nombre des représentans concédés aux « oukraïnes, » aux provinces frontières. La première loi électorale, sortie du projet Bouliguine, amendé par le comte Witte, avait bien des défauts, à tel point qu’aucun parti ne s’en montrait satisfait. Elle avait cependant une qualité qui lui vaut aujourd’hui les regrets de beaucoup de ceux qui