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prochaines. La menace de la dissolution planait, dès la première heure, sur l’assemblée ; elle perçait dans les avertissemens de la presse officieuse, dans les refus hautains et jusque dans le dédaigneux silence des ministres, vainement sommés de quitter le pouvoir, comme si, en dépit des lois fondamentales édictées par l’Empereur à la veille de l’ouverture de la Douma, les ministres fussent déjà responsables devant les Chambres.

La principale faute de la première Douma, une faute posthume, fut le manifeste de Wiborg, lancé de Finlande par la majorité au lendemain de la dissolution. Ce manifeste qualifiait de coup d’État la brusque dissolution de la Chambre, ce qui, d’après les « lois fondamentales » russes, comme d’après les lois constitutionnelles de tous les autres pays, n’était pas exact ; et, tort plus grave, qui devait être durement expié, il invitait le peuple à répondre à cette violation de ses droits par le refus de l’impôt et du service militaire. Ce sont là des extrémités auxquelles, même en temps de révolution, de vrais politiques ne provoquent que lorsqu’ils sont sûrs d’être suivis. En un pays aussi vaste, en un État aussi amorphe que la Russie, où la vie publique est aussi peu intense et aussi dispersée, alors que les masses n’avaient qu’une idée confuse des droits du Tsar et des droits de la Douma, pareil appel ne pouvait être entendu. Le seul résultat fut de permettre au gouvernement de poursuivre les signataires de l’imprudent manifeste et, conformément aux « lois fondamentales, » de les faire déclarer inéligibles. Ainsi exclus de la deuxième assemblée, ils vont l’être également de la troisième.

La seconde Douma fut par sa composition, comme par son attitude, très différente de la première. A tout prendre, elle lui était fort inférieure. La plupart des membres de la première assemblée avaient été déclarés inéligibles, — ils le demeurent encore aujourd’hui ; — et comme si, en Russie, les partis d’opposition du moins, n’eussent pas eu de personnel de rechange, les nouveaux députés ne furent, ni pour la réputation, ni pour les connaissances, ni pour le talent, au niveau de leurs prédécesseurs. Le gouvernement du reste n’avait rien épargné pour fermer la Chambre nouvelle aux plus distingués de ses adversaires. Il avait fait épurer par le Sénat les listes électorales ; il avait ainsi écarté de la représentation nationale les chefs les plus en vue des libéraux, tels que M. Milioukof, l’inspirateur des « cadets » ou constitutionnels démocrates. En outre, innovation