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Où la pierre affectant les grâces du bocage
Jette sur les frontons des rameaux de feuillage
Et pour éterniser un sens de volupté
Prend et garde à jamais les traits de la beauté,
Où l’onde que répand la nymphe demi-nue
Invite au doux sommeil que sa chute insinue,
Où le rocher de marbre arraché de ces monts
Prend pour flatter les pas le poli des gazons,
Où sur le frais gazon d’une feinte prairie
L’arbre même exilé se trompe de patrie,
Et dans le tiède abri de dômes toujours verts
Des couleurs du printemps pare encor les hivers…


Ces vers parurent à M. de Montherot tout à fait fâcheux : il y retrouvait le genre maniéré des petits poètes du XVIIIe siècle ; il en déplorait les faux brillans, l’afféterie, et concluait à rayer tout le passage « impitoyablement. » Le conseil était bon ; Lamartine le suivit. Sur plusieurs points encore il se rendit aux avis du même critique. Il avait parlé des « saules dont le tonseur effeuillait la couronne ; » il remplaça l’expression bourguignonne de tonseur par le mot français « émondeur. » Il avait donné aux indigens des « toits d’ardoise ; » le chaume plus modeste remplaça l’ardoise trop opulente. En revanche il ne voulut pas renoncer à l’épithète de « souterrain » appliquée au cri de la cigale. Il ne tint non plus de compte d’une objection, qui pourtant venait de son père. On avait lu en famille les vers de Milly ; on les avait discutés. À l’endroit où le poète parle de ces souvenirs qui, le jour où la maison passerait aux mains de propriétaires étrangers, s’enfuiraient


Comme un nid de colombes
Dont la hache a fauché l’arbre dans les forêts
Et qui ne savent plus où se poser après.


M. de Lamartine de Prat s’exclama : « Comment ! une hache qui fauche, et qui fauche un arbre !… Dans les forêts ? Les colombes peuvent se poser sur un autre. » Lamartine maintint le passage. En somme, la pièce originale contenait un groupe de quatre vers et un groupe de seize vers qui n’ont pas été conservés ; en revanche, le texte imprimé en contient quatre qui n’étaient pas dans la première rédaction. Quant aux corrections de détail, mots changés ou vers remaniés, nous en avons relevé jusqu’à quatre-vingts. Elles sont heureuses pour la plupart.