Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/354

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

définitivement à Madrid, je partirais à l’instant, ne voulant rien mettre avant mon devoir, mais que l’expectative de Londres était tout ce que je pouvais désirer et demander de mieux. C’est entendu ainsi et m’arrange infiniment. Je n’ai qu’à me louer de la façon dont je suis apprécié et traité, car passer de rien à Florence, de Florence au premier poste de Londres, et de Londres ministre, est la plus belle manière de faire sa route. Prions Dieu que les bonnes dispositions continuent avec les mêmes hommes ou les hommes de cette même société !

Je vois tous mes amis importans. Nous dînons ce soir chez Mme de Montcalm avec MM. Pasquier, Portai, Mounier, Pozzo di Borgo, Rayneval et Villemain. Je les ai vus ce matin toujours bons amis. Je travaille pour J… Nous avons samedi un grand dîner de pure littérature chez Emile Deschamps que tu connais. Je suis au mieux avec ce tourbillon de monde. Ma chambre ne désemplit pas, quand j’y suis, de connus et d’inconnus. C’est une procession.


Dimanche, 19 octobre[1].

Je reçois ta lettre, mon cher ange. Je crois comme toi que plus de la moitié de mon absence est écoulée. Je ne reste pas pour mon plaisir, tu le sais. Je ne soigne ni dames de Lyon, ni dames de Paris, ni dames de Florence. Je ne soigne que mon ami Fido, et je ne fais que vingt visites par jour, et cependant je suis toujours en arrière.

Je viens d’être souffrant ces deux jours d’une espèce d’indigestion avec lièvre. J’ai fermé ma porte et suis resté au lit sans manger ni boire. Cela m’a guéri tout seul. Mon ami Alain vient tous les jours bavarder une heure avec moi et voilà toute ma médecine.

Londres est une affaire arrangée. Je ne peux pas être plus content que je ne le suis du ministère, de M. Rayneval surtout : Bois le Comte aussi à merveille. Toutes les personnes que nous avons reçues à Florence nous ont fait une renommée superbe et viennent s’écrire chez moi.

Je vois le duc de Rohan souvent.


L’ « affaire arrangée » ne devait pas aboutir, non plus que celle de Grèce dont il sera question plus tard. Lamartine, en attendant, coupe ses bois à Montculot, répare ses routes, commande à des équipes d’ouvriers, à l’aise dans ce rôle de grand propriétaire terrien qu’il aimait. Il fait des vers aussi, trace une fois de plus le plan du fameux poème ; puis il vient à Paris.


Mercredi 3 juin, Paris (1829).

On m’offre 40 000 francs de mes deux volumes. Je retarde, pour ne rien donner d’indigne, jusqu’au printemps prochain. On m’aime toujours et m’accueille bien partout. Je n’ai rien à désirer sous ce rapport. Hier,

  1. Mme de Lamartine, Alphonse, à Mâcon.