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consolations du tête-à-tête, s’ennuya horriblement. Sa fille en souffrait pour elle. Son gendre, peu patient de son naturel, s’irritait. Les lettres de cette époque portent la trace de scènes d’explications assez vives. Mme Birch, en mariant sa fille à un Français, n’avait pas dit pour toujours adieu à l’Angleterre ; en tout cas, elle ne voulait sacrifier Londres qu’à Paris, ou à une capitale importante. Mais la vie dans une légation d’ordre secondaire lui était tout à fait insupportable. D’autre part, elle n’avait, en aucun temps, voulu d’un gendre sans position ; et les ressources pécuniaires du ménage étaient des plus modestes. Cela rendait la situation fort embarrassante. C’est pour la débrouiller que Lamartine arrivait à Paris, quoique toujours souffrant, à la fin de 1821. Le 31 décembre, il voyait le duc de Montmorency à son lever, et la conversation qu’il avait avec lui ne lui laissait guère d’illusions. Il ne pouvait compter sur aucun poste à Paris. Que faire donc et où aller ? A Turin ? Ce serait recommencer Naples. A Florence ? Cette résidence agréerait-elle à Mme Birch ? Et sinon, Lamartine ne ferait-il pas mieux de sacrifier les médiocres avantages, que lui marchandait la « carrière, » à la bonne entente en famille ? Il conserverait un titre d’attaché ou de secrétaire, et resterait indéfiniment sans emploi effectif. Au surplus, Lamartine qui, à Naples, n’avait trouvé rien à faire, et qui se mourait d’un besoin d’activité, semble n’avoir eu, à cette époque, que fort peu de goût pour le métier de diplomate.

Telle est la crise à laquelle vont nous faire assister ces lettres de janvier 1822, dont la première, pour être une « lettre de jour de l’an, » ne semblera tout de même pas banale.


Paris, mardi 1er jour de 1822[1].

Que ce jour commence par toi, ô mon unique amour ! Que tous nos jours commencent et finissent de même, toi qui les remplis, les embellis et me les fais seule chérir ! Que toutes les bénédictions que je te donne, à toutes les minutes de mon existence, soient ratifiées par le Dieu qui nous a unis. Qu’il nous conserve l’un pour l’autre, nous soutienne l’un par l’autre et reçoive comme le plus pur et le plus doux hommage à sa bonté, l’expression toujours nouvelle de notre mutuelle félicité ! Qu’il bénisse notre enfant pendant cette année et les autres ! Qu’il protège et rende heureux nos parens, ta mère et la mienne ! J’ai eu ta divine lettre. Jamais tune m’as plus aimé, jamais du moins tu ne l’as si bien dit ! Que je voudrais pouvoir

  1. Mme Alphonse de Lamartine, à Mâcon.