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rédactions qui furent successivement tentées, avant qu’on arrivât à celle qui satisfit. Les unes faisaient trop directement allusion aux événemens du 11 mai ; les autres n’en parlaient pas assez.

Le 20 septembre le comte de Noailles eut son audience de congé. Le 21, Charles-Emmanuel III écrivait à « Monsieur son frère et neveu » la satisfaction qu’il avait eue de la manière dont son ambassadeur s’était acquitté de sa mission. Mais il y avait une ombre au tableau. La cour de Turin avait été froissée, non seulement du caractère étroit, presque clandestin que la cour de France avait donné à cette démonstration tout d’abord annoncée avec fracas, mais encore de la singulière réserve où s’était renfermé le discours prononcé au nom du monarque français.

Les ministres de Versailles avaient eu le tort de ne pas comprendre que l’humiliation, à laquelle Louis XV s’était vu réduit, consistait dans le fait même d’envoyer une ambassade extraordinaire pour faire des excuses à « un roitelet, » comme on disait autour d’eux ; cette démarche consentie, le roi de France n’eût fait que se grandir lui-même en exprimant ses regrets franchement et ouvertement.

A Paris, le mouvement de réprobation contre la démarche humiliante du comte de Noailles n’était pas près de se calmer. Sartirane, qui était venu reprendre son poste, en parle plusieurs fois dans ses dépêches. Nouvellistes de cafés et de promenades publiques s’en entretenaient bruyamment. L’ « ambassade extraordinaire, » donnait matière à mille satires, chansons, petits vers et quolibets.

Le marquis d’Argenson traduit le sentiment général : « Il y a grand’honte, et c’est à effacer de nos fastes. » Il est vrai que les fermiers généraux étaient débarrassés de Mandrin.

Levet de Malaval dut relâcher les deux Nîmes, de leur vrai nom Pierre Tourant et François Gaussin, les deux contrebandiers que les argoulets avaient enlevés dans la matinée du 11 mai, à Saint-Genix-d’Aoste. Ils furent confiés à une escorte de maréchaussée qui les remit, — avec Claude Planche, le domestique du fermier Perrety, enlevé avec Mandrin au château de Rochefort, — entre les mains des représentans du roi de Sardaigne, qui vinrent les prendre sur la frontière. Cela se fit avec cérémonie. » Enfin, une indemnité de 34957 livres fut versée par le gouvernement français aux victimes de l’équipée de Rochefort.

Restait la punition solennellement promise des officiers