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Gâpians et soldats de La Morlière arrivent au château sur les trois heures du matin. Ils passent par la grande allée de noyers et remplissent la cour extérieure, où ils font un terrible vacarme à la porte grillée et aux fenêtres qui la flanquent de droite et de gauche. Les volets en sont fracassés. Le jeune jardinier, Joseph Veyret, se lève, ouvre la porte, et la masse des soldats de s’engouffrer sous la voûte. Veyret est bousculé ; d’un grand coup de sabre sur la tête, il est jeté à terre couvert de sang, et la bande furieuse se répand avec des cris dans la cour intérieure. Les argoulets ont des fusils armés de baïonnettes. On a relevé le jeune jardinier et, rudement, on le secoue. Un autre domestique, qui est accouru au bruit, est houspillé de même. Il s’agit de dire où est Mandrin.

— Il est parti, déclarent les domestiques.

Des coups de crosse et des coups de poing leur redressent la mémoire. « Il a fallu sérieusement les caresser, » écrit La Morlière. L’un de ces malheureux en eut le bras cassé. Enfin ils indiquent, dans le coin de la cour à droite, l’escalier de pierre.

Eveillé par le bruit, Mandrin n’a vu les argoulets qu’au moment où ils pénétraient dans la cour intérieure. Il n’a dans ce moment auprès de lui qu’un seul de ses compagnons, Saint-Pierre le cadet, qui partage sa chambre.

Sur l’indication des domestiques, une bande d’argoulets s’est élancée vers le degré de pierre. Les deux portes du palier sont enfoncées : les uns se précipitent dans l’appartement où se trouve Mandrin ; les autres dans celui où demeurent le fermier Perrety et sa femme.

La chambre où Mandrin couchait avec Saint-Pierre est conservée telle qu’elle était alors : une large pièce carrée, blanchie à la chaux, dont chaque côté mesure six mètres, sur cinq mètres de haut. Les solives du plafond sont apparentes, soutenues par une énorme poutre transversale. Elles sont peintes à la chaux blanche. Deux portes en bois naturel, dont l’une, par laquelle se précipitent les argoulets, à droite de la fenêtre, fait communiquer la chambre de Mandrin avec une grande pièce qui donne sur le palier, et dont l’autre, percée dans le mur face à la fenêtre, donne accès dans l’appartement du fermier.

Les argoulets se sont emparés de Mandrin et de Saint-Pierre avant que ceux-ci aient pu se retourner. Ils les garrottent, et, sans