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dans les deux, elles seraient décisives, et, le lendemain, le Maroc serait un corps singulièrement affaibli.

Il est malheureusement à craindre que les choses ne se passent pas tout à fait ainsi, et ce que nous en disons n’a pour objet que de donner le plus de précision possible aux idées générales avec lesquelles nous devons continuer de traiter le problème marocain. Le gouvernement, c’est une justice à lui rendre, paraît bien avoir compris les choses ainsi. Dès le début, c’est-à-dire à un moment où les esprits un peu surpris par la brutalité des événemens, un peu émus, un peu inquiets, hésitaient sur la conduite à suivre, des notes officieuses ont paru dans les journaux et ont établi très nettement les limites dans lesquelles notre intervention s’enfermerait. Il s’agissait d’exécuter le programme d’Algésiras, d’assurer la sécurité dans les ports de mer, d’y préparer l’organisation de la police, et nullement d’entamer une entreprise militaire qui, par son ampleur, aurait pu nous faire attribuer d’autres intentions. Au dehors, ces assurances ont produit une impression favorable, qui devait rendre notre tâche plus facile ; au dedans, quelques journaux se sont demandé s’il n’y avait pas de l’imprudence à vouloir limiter dès maintenant une action dont nous ne serions peut-être pas maîtres jusqu’au bout. Mais il faut précisément que nous en restions maîtres. Nous avons nos coloniaux, comme d’autres pays ont les leurs : ils ont naturellement de grands projets. Une campagne de presse a commencé. On a dit tout de suite que le général Drude demandait des secours et que le gouvernement les lui refusait. Le gouvernement a répondu que le général Drude n’avait rien demandé du tout, ce qui était vrai alors. Plus tard, lorsque le général a demandé des renforts, on s’est empressé de les lui envoyer, et les journaux ont triomphé. Tout cela n’a d’intérêt qu’au point de vue des tendances opposées dont on y trouve l’indication. Nous n’hésitons pas à approuver celle que le gouvernement a suivie ; nous espérons qu’il y persévérera. S’il en était autrement, tout le passé de M. Clemenceau se dresserait contre lui pour l’accuser. On sait que notre politique coloniale, dans son ensemble, n’a pas eu d’adversaire plus acharné que lui, et c’est de quoi nous sommes très loin de le louer sans de grandes restrictions : mais il ne s’agit, pour le moment, que du Maroc. Le côté aventureux de cette affaire, telle que les coloniaux l’ont comprise, a toujours été dénoncé par lui avec une énergie pleine de verve, au point que l’Acte d’Algésiras va au-delà de ses conceptions personnelles plutôt qu’il ne demeure en deçà. Ce n’est pas, à la vérité, une grande garantie pour nous, M. Clemenceau étant le plus impulsif