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est dès à présent combattu, et le caractère le plus remarquable de cette lutte est qu’elle se poursuit très méthodiquement. Il y a des règles pour le sauvetage de l’enfance : il y en aura de plus en plus. Avant tout, de plus en plus, il faudra que les pouvoirs publics et les œuvres privées concertent leur action ; que la loi, comme il est arrivé déjà, seconde les efforts des particuliers et tienne compte de leur expérience. La loi d’abord devrait rendre plus rigoureuse l’obligation scolaire. La suppression de l’enseignement congréganiste est allé directement à l’encontre des intérêts de l’enfant : comment forcer les parens, sous des peines sévères, à envoyer leurs enfans à l’école, alors que l’école devient insuffisante  ? Il faudra cependant qu’elle s’agrandisse : il faudra en même temps que tous les parens sachent, par l’attention rigoureuse du parquet, qu’ils encourent des sanctions autres que celles de leur conscience, si leurs enfans ne sont pas assidus. A l’école même, ce n’est plus avec la loi, c’est avec le dévouement de l’instituteur qu’il faut compter : une lourde responsabilité pèse sur lui, car c’est lui qui élève ces enfans, et prépare le peuple de demain. Comprendra-t-il toute sa tâche d’éducateur, et sera-t-il capable de former des citoyens ? On ne peut qu’attendre des faits, avec un peu d’inquiétude, la réponse à cette question redoutable… Après l’école du moins, dans les années vagues et vides qui vont de quatorze à seize ou dix-huit ans, la loi et l’initiative privée peuvent agir de nouveau. L’apprentissage a disparu : tous les hommes d’expérience reconnaissent qu’il n’existe plus dans les grandes villes, et tous sont d’accord qu’il devrait être rétabli. Comment rétabli ? La Ville de Paris entretient à grands frais des écoles professionnelles. Mais l’élite seule en profite, et ce sont des établissemens trop coûteux pour qu’on puisse les multiplier. La solution viendra ici de l’initiative patronale. Les Chambres de commerce ont assez souvent fait preuve d’intelligentes générosités : la question de l’apprentissage n’est-elle point de celles qui devraient retenir leur observation et stimuler leur effort ? La loi ensuite interviendrait : on n’a point de scrupule ici, pour une œuvre qui intéresse si vivement la paix sociale et la force du pays, à faire appel au secours de l’Etat.

Il restera toujours à sauver les enfans maltraités ou coupables. C’est pour eux que l’activité des sociétés de patronage et des comités de défense s’est dépensée en ces dernières années.