Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

majorité. Voilà donc encore deux attributs de la puissance paternelle singulièrement affaiblis. Le seul auquel on n’ait pas touché est l’usufruit légal : introduit par le Code civil dans la France coutumière du Centre et du Nord, il a pris très vite la force d’une habitude ; les parens, dont les enfans ont des biens personnels, se sont accoutumés sans difficulté à jouir de ces biens durant la minorité : ni la loi, ni les magistrats, ni l’opinion ne contrarient cette jouissance ; de tous les élémens traditionnels de la puissance paternelle, c’est le plus récent qui reste intact : et c’est le seul d’ailleurs qui comporte un profit pécuniaire.

Telle qu’on la comprend aujourd’hui, la puissance paternelle n’est plus, suivant l’expression d’un arrêt, « qu’un ensemble de moyens mis à la disposition du père pour qu’il exerce sa mission naturelle de protection.  » Sa nature et son but ainsi précisés à cette heure, une question se pose aussitôt : quels sont donc ceux qui sont en état d’user de ces « moyens » pour les fins que la conscience publique, la jurisprudence, la loi leur imposent ?

Il y faut des conditions diverses : pour satisfaire à ce vœu unanime qui est bien plutôt un ordre, il faut les traditions morales qui, dans la famille même, créent comme une atmosphère dont l’enfant est sans cesse imprégné ; ou bien il faut l’aisance qui donne aux parens des loisirs, la fortune qui permet le précepteur et les institutrices ; ou encore il faut le secours d’une existence régulière et calme, avec les exemples d’existences pareilles, telles qu’on les trouve encore à la campagne : par-dessus tout, il faut l’affection qui rend le dévouement à la fois nécessaire et précieux. À ces conditions on peut dire que le père exerce ses droits, en ce sens qu’il peut accomplir ses devoirs ; et les puissances ombrageuses qui le surveillent veulent bien ne pas intervenir. La famille la plus parfaite est aujourd’hui une association tout affectueuse, où ce sont des soins incessans et la persuasion seule qui ont fixé un lien durable. On en peut voir aussi où, par respect et sentiment du devoir, sont acceptés comme dans les temps anciens l’autorité rude des parens, les volontés absolues et les brusqueries de chaque jour. Mais ces familles se font de plus en plus rares, et même à la campagne où elles tiennent Je mieux, on entend des plaintes : des paysans de moins de cinquante ans accusent l’ « indépendance » de la jeunesse. D’autres familles enfin et de plus en plus nombreuses trouvent une cohésion dans l’intérêt : les enfans apprécient dans la