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de correction a été contrôlé et parfois même supprimé. Certes, à ne consulter que le Code civil, il ne semblait pas possible de soumettre ici la volonté du père à la surveillance même la plus discrète. Si en effet, dans certains cas, le père ne peut que requérir du président l’internement de son enfant, en revanche pour un enfant de moins de quinze ans, et dans les cas ordinaires, il se borne à exprimer sa volonté au magistrat : celui-ci, suivant l’expression du Code « devra » délivrer l’ordre d’arrestation. Que faire contre un texte si formel ? Voici. En donnant au père le droit de correction, le Code avait dit, « quand il aura des sujets de mécontentement très graves sur la conduite d’un enfant.  » Ce n’est guère que dans les grandes villes que le droit de correction est exercé. A Paris, au Tribunal de la Seine, certaines demandes éveillèrent des soupçons : les pères qui les avaient formulées paraissaient obéir à d’étranges motifs ; les enfans qui en étaient l’objet paraissaient dociles, incapables des méfaits qu’on leur avait reprochés. Peu à peu l’habitude se prit d’examiner de très près les « sujets de mécontentement,  » et même de faire une enquête. Les découvertes furent singulières : un père voulait envoyer en correction son enfant, petit commissionnaire, qui avait détourné de l’argent : l’enquête révéla que l’enfant avait en effet « détourné » une somme de 3 fr. 50, mais sur ses gains, et pour s’acheter des souliers qu’il n’avait pas. Très souvent ainsi, le sujet de mécontentement était un reproche de ne point rapporter à la maison tout le salaire : c’était souvent moins encore. Ainsi renseigné, le magistrat allait-il, suivant les termes impérieux du Code, délivrer l’ordre d’arrestation ? Cela parut impossible. On prit ce détour de décider le père à retirer sa demande. On y parvint par conseils et représentations, et aussi par menaces. Quand il s’obstinait, on alla, contre la règle inflexible du Code, jusqu’à lui refuser l’ordre sollicité. Le Code avait dit : « quand il aura des sujets de mécontentement très graves…  » Le président déclarait que les sujets n’étaient point assez graves. Il faut convenir que l’interprétation de la loi est ici d’une hardiesse rare ; mais nul ne niera qu’elle soit profondément sage.


IV

Tout ce long effort de la jurisprudence et de la législation vise obstinément et atteint un même but : la puissance