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établissement d’éducation, et, dans l’un et l’autre cas, de décider quelles personnes le verront, de défendre que telle ou telle le voie. Or, ce droit s’est trouvé en conflit avec la prétention des aïeuls maternels de l’enfant. La mère est morte : le père reste seul. Il a eu sans doute avec ses beaux-parens quelque difficulté grave : la brouille entre eux et lui est complète. Cependant l’enfant est là. Le père estime que les visites qu’il fait à sa grand’mère maternelle ou qu’il en reçoit l’excitent contre lui : il les trouve dangereuses, et il décide de les supprimer. Voilà donc son droit, sa puissance paternelle d’ordre public dressée contre l’affection du grand-père et de la grand’mère, qui, durement frappés par la perte de leur fille, aiment l’enfant de leur fille d’une tendresse plus avide. Comment se résoudra le conflit ? qui doit l’emporter ? En 1825 la Cour de Nîmes jugeait que le père veuf a « le droit de refuser de faire conduire l’enfant chez l’aïeul maternel à des heures et jours fixes.  » C’est ici la puissance paternelle qui triomphe : elle est de telle importance qu’elle ne comporte aucune atteinte. La même idée devant les mêmes faits s’affirme dans un arrêt de Paris en 1853 : le père peut se refuser « d’une manière absolue » à laisser voir l’enfant par l’aïeul maternel. De même encore, un arrêt de Montpellier dit en termes énergiques, le 10 février 1855, que le père « ne doit compte à personne des motifs de son opposition,… que les motifs de sa détermination ne doivent pas être examinés.  » Et la Cour de Bordeaux en 1860 répète pareillement : « le père a le droit d’interdire les relations de l’enfant avec l’aïeul maternel, il ne doit compte à personne de ses motifs.  » On remarquera que trois de ces décisions furent rendues par des Cours du Midi : c’est bien dans le Midi, avec les souvenirs du droit écrit, que la notion pouvait se maintenir entière d’une puissance paternelle absolue, et qui échappe au contrôle de la justice. Mais déjà, au haut de la hiérarchie judiciaire, une idée différente avait fait brèche dans ce bloc. La Cour de cassation avait cassé, le 8 juillet 1857, l’arrêt de Montpellier ; en disant simplement que « l’abus ne saurait se couvrir du voile du droit pour échapper au contrôle de la justice,  » elle avait posé le principe de ce contrôle. Elle avait ajouté que, « subordonnés à la puissance paternelle,  » les droits des ascendans ne sauraient lui être entièrement sacrifiés sans d’impérieuses raisons « dont le père de famille sera le premier, sinon le seul juge.  » Dès lors que le contrôle de la justice était admis, nulle prétention