Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’enfant. Depuis les conditions de l’arrestation jusqu’aux mesures que doit prescrire le jugement, toutes les phases de la procédure ont été soigneusement étudiées. Dès sa comparution devant le juge instructeur, l’enfant trouve non pas seulement un avocat, mais un protecteur ; s’il va jusqu’à l’audience, il y est assisté de la même manière. Après le jugement, des sociétés privées s’occupent de le placer et veillent à son relèvement, ou bien l’Assistance publique le prend parmi ses pupilles. A aucun moment il n’est le criminel qu’il importe de châtier. Tout ce que sa jeunesse représente d’espoir et de vie a passionné les hommes qui avaient une fois aperçu la nécessité de le sauver. Avec une merveilleuse promptitude, les comités de défense se sont partout organisés auprès des Cours et tribunaux : ils groupent les hommes les plus divers, magistrats, fonctionnaires, avocats ; aidés des nombreuses sociétés de patronage, ils ont à peu près réussi déjà, suivant la forte expression d’un de leurs membres, à mettre l’enfant « hors du Code pénal.  »

Qu’il soit de famille aisée ou riche, qu’il soit pauvre, qu’il soit abandonné, qu’il soit coupable, l’enfant attire sur lui des soucis que l’on ne connaissait point, il y a trente ans. A considérer seulement les ressources d’énergie et d’argent qui se consomment à cause de lui, combien d’hommes vivent pour lui et combien vivent par lui, on mesure le personnage qu’il est devenu. Tous ces faits témoignent d’une pensée et d’un désir qui sont bien de ce temps : la pensée de l’avenir, le désir du mieux.

Voici toutefois qu’une autre question se pose et elle est grave. Dans ce large mouvement qui se fait par tout le pays, que devient la famille elle-même ? Le groupe familial n’est-il pas atteint et affaibli  ? Pour répondre à cette question, l’observation la plus attentive risquerait de n’apporter que des données incomplètes. Mais on a ici un moyen d’information qui ne trompe pas. Toute évolution importante dans les mœurs apparaît après quelque temps dans la jurisprudence, et se fixe ensuite dans la loi : le magistrat, sollicité par des conflits nouveaux, tend à les résoudre suivant l’opinion moyenne qu’il représente ; le législateur consacre par une règle les habitudes, les aspirations dont la force s’impose à lui. L’étude des lois de l’enfant donne ainsi l’histoire complète de cette évolution du groupe familial dont il faut mesurer depuis l’origine toute l’étendue, pour savoir où elle en est à cette heure et où elle en sera demain.