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Languedoc : ils vont à l’école. La charité ici, au sens le plus noble, s’est exercée avec une rare puissance, et l’Etat a assumé enfin le lourd devoir de répandre l’enseignement gratuit. La loi sur l’enseignement primaire est de 1882. Longtemps avant, pour les garçons et les filles du peuple, l’enseignement libre s’était organisé dans les écoles congréganistes ; les méthodes habiles de l’Institut des Frères et l’art très sûr de ces maîtres l’avait rendu, pour les garçons, très prospère : c’était en outre un enseignement religieux et qui s’appliquait à faire l’éducation morale de l’enfant en même temps qu’à l’instruire. Toutefois, si vaste que fût la clientèle de ces écoles libres, la générosité privée ne suffisait pas à payer des bourses ; d’ailleurs les parens restaient maîtres d’envoyer ou non leurs enfans à l’école, et par la nonchalance des uns, par l’égoïsme intéressé des autres, beaucoup d’enfans ne recevaient aucune instruction. C’est ce mal auquel la loi de 1882 a entendu remédier. En prescrivant la gratuité et l’obligation de l’enseignement, elle a décidé aussi qu’il serait laïque. L’ensemble de ces conditions a eu des effets qui dépassaient les intentions des auteurs de la loi. L’école communale a naturellement recueilli, surtout dans les villes, un grand nombre d’enfans qui, sans la loi de 1882, n’auraient jamais été instruits ; mais en devenant strictement laïque, elle effrayait des esprits soucieux d’une éducation morale et particulièrement d’une éducation religieuse : comme l’enseignement libre restait permis, il se dépensa dans tout le pays beaucoup de zèle pour lui conserver sa vigueur et sa prospérité. En fin de compte, ce fut l’enfant qui recueillit le bénéfice de cette rivalité. Du moins enseignement d’Etat, et enseignement libre se répandirent en luttant l’un contre l’autre, et l’instruction fit en quelques années de prodigieux progrès. On en a la preuve à l’arrivée des recrues au régiment : le nombre des illettrés est allé rapidement décroissant. Il faut donc retenir parmi les faits caractéristiques de ce temps, l’étendue et la continuité de l’effort pour instruire l’enfant pauvre. Les chiffres sont ici très démonstratifs. Sur 250 millions que la loi de finances affecte à l’instruction publique, l’enseignement primaire prend pour lui seul 200 millions. Quant à l’enseignement libre, sans connaître les chiffres, on a pu se rendre compte par le nombre de ses écoles et par le nombre de leurs élèves qu’il avait trouvé depuis vingt-cinq ans d’amples, d’inlassables générosités. Il se peut d’ailleurs que tant d’ardeur donnée