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L'ENFANT ET LA FAMILLE


I

On entend assez souvent, dans le monde, des parens, pères ou mères, qui ne sont point des personnes hors d’âge, tenir ce propos familier : « De notre temps, il y a vingt ou trente ans, on s’occupait beaucoup moins des enfans.  » Dite sans amertume, avec une nuance de regret peut-être, mais aussi avec un sourire de fierté, cette parole doit exprimer quelque chose de vrai. Le mieux, si l’on veut s’en assurer, est de regarder autour de soi.

Dans le monde de la bourgeoisie, qui est le plus à portée de l’observation, un certain nombre de petits faits apparaissent tout de suite. Il n’est pas douteux que dans une famille aisée d’aujourd’hui l’existence de l’enfant comporte des habitudes qui datent d’une époque récente. L’enfant a son journal ; ce n’est pas assez dire : chaque enfant a le sien. Pour les plus jeunes, c’est l’Illustré à deux sous et la petite Revue avec des contes et des devinettes ; pour les garçons de dix à quinze ans, c’est, en plus de pages et plus remplies, un peu de science facile mêlée aux histoires, et des récits de voyage à côté des rébus ; pour les filles, de grands écrivains se mettent en frais d’articles, de nouvelles, de romans qu’elles lisent encore à seize ans. Tous ces recueils ont une clientèle puisqu’ils durent et se multiplient. Journaux et revues arrivent pour le dimanche, jour de récréation et de repos. Ce même jour dans l’après-midi, les mois d’hiver, les deux Théâtres français et l’Opéra-Comique affichent le plus souvent des spectacles qui semblent destinés aux enfans, et c’est en effet le public de dix à dix-huit ans qui est le plus assidu à ces