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Les Anglais laissèrent entre nos mains 40 canons, et un seul drapeau qui fut pris par un sergent irlandais. Leur déroute fut très réelle. La Revue d’histoire mentionne, à ce sujet[1], le récit du prince de Croy, qui, dans sa simplicité, lui paraît donner la note juste sur la fin de la journée :

« Je voulus charger en même temps que tout le monde ; mais ne trouvant pas de communication, et les pièces mêmes nous les barrant, cela fit que nos escadrons se mêlèrent en passant, ce qui m’obligea de les arrêter pour les remettre ; et c’est ce qui fit que nous ne trouvâmes plus de place pour charger les ennemis, qui furent culbutés dans un instant ; et nous nous trouvâmes pêle-mêle avec une grande quantité de cavalerie réunie tout en un même point, dessus des groupes d’Anglais, qui demandaient quartier avec fermeté. J’eus bien de la peine à débrouiller et à remettre nos escadrons qui avaient manqué par trop d’ardeur ; je m’y donnai bien de la peine, et, quand j’en fus venu à bout, je poussai seul au travers pour voir les ennemis qui, s’enfuyant à toutes jambes, étaient déjà dans le défilé de Vezon… »

La poursuite des Anglais par notre cavalerie fut arrêtée très tôt par le maréchal de Saxe ; trop tôt même, aux yeux de la Revue d’histoire. Elle exprime aussi le regret que les défenseurs de Fontenoy et d’Antoing n’aient pas profité de l’attaque décisive menée contre les Anglais pour pousser, de leur côté, les Hollandais qui avaient été éprouvés dans leurs derniers assauts plus encore que dans les premiers. Mais les lieutenans généraux d’Harcourt et de Clermont, qui auraient pu prendre cette décision, s’étaient laissé entraîner par leur ardeur ; et ils s’étaient joints à la Maison du Roi pour se trouver au plus fort du combat. On proposa au comte d’Eu de les remplacer et de faire charger ; il ne crut pas pouvoir donner des ordres à la cavalerie.

L’occasion fut manquée. On peut ajouter qu’elle aurait pu ne pas l’être, si, tout en intervenant personnellement, comme il l’a si bien fait pour mieux faire concorder les efforts et surexciter le courage des troupes chargées de donner aux Anglais le choc décisif, le maréchal de Saxe avait pu laisser à un chef d’état-major de confiance le soin d’organiser, et de faire partir à temps les autres attaques.

Dans le camp français, la joie de la victoire fut d’autant plus

  1. Revue d’histoire, 1905, IIe vol., p. 7.