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Autour du Roi, on croyait la journée perdue ; on conseillait au Roi de se retirer ; mais le maréchal, intervenant énergiquement et même en termes très militaires, demanda qu’on le laissât faire, et qu’on ne troublât pas ses opérations.

La Revue d’histoire cite plusieurs documens du temps jugeant tous très sévèrement les courtisans qui ont donné des conseils timides, comme aussi certains acteurs de cette grande journée qui ont grossi l’importance de leurs services et se sont attribué une bonne part du succès. Il en sera toujours ainsi : chacun s’exagère sa part d’action dans le combat, d’autant plus facilement qu’il n’a généralement vu et qu’il ne connaît bien que celle-là. C’est là une des particularités du cœur humain, si persistant dans ses travers comme dans ses qualités, et sur lequel les Grecs et les Romains, et après eux le maréchal de Saxe, ont écrit de si bonnes choses.

Il y a eu ce jour-là, à Fontenoy, des bavardages comme il y en aura toujours dans les armées, à la suite des engagemens. La présence du Roi a dû certainement contribuer à délier les langues, à exalter le désir de se distinguer, même après la bataille ; mais elle a aussi surexcité les courages et les dévouemens pendant l’action même, comme le duc de Broglie l’a déjà montré, et comme la Revue d’histoire nous le fait voir à nouveau.

Elle a poussé à marcher, à se jeter, tête baissée, sur les Anglais, des hommes, des troupes qui n’avaient reçu aucun ordre du maréchal, et qui sont venus d’eux-mêmes renforcer, compléter les efforts de ceux qu’il avait pu commander directement. Tout bien considéré, il me semble que la présence du Roi fut loin de nuire au maréchal et à la France.

Pour gagner du temps, le maréchal de Saxe fit activer l’action de l’infanterie sur les flancs des Anglais, à gauche par les Vaisseaux et les Irlandais, à droite par Royal et La Couronne aidés de quelques escadrons qui s’appuyaient sur Fontenoy[1]. Au centre, il fit charger 40 escadrons, qui renouvelèrent leurs charges par trois fois. Ces efforts, un peu décousus, n’entamèrent pas l’inébranlable colonne anglaise ; mais ils l’arrêtèrent, et donnèrent au maréchal de Saxe la facilité d’organiser, de bien régler une attaque générale.

Le maréchal fut admirable de vigueur et d’activité.

  1. Revue d’histoire, Ier vol., 1905, p. 490.