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le Dauphin s’avancèrent pour mieux suivre la lutte. Ils entendirent siffler les balles et virent un boulet mourir auprès d’eux.

Le maréchal de Saxe était sur les lieux. Comme on le félicitait, il répondit : « Doucement[1], messieurs, tout n’est pas dit. Allons maintenant aux Anglais ; ils seront de plus dure digestion. »

De fait, l’attaque contre Fontenoy fut vigoureusement poussée par trois fois, et n’échoua que devant la solidité de nos troupes et la précision de leur tir.

Le maréchal de Saxe surveillait l’opération. Il était accompagné par le maréchal de Noailles, qui, malgré sa supériorité d’âge et d’ancienneté, donna, ce jour-là, un bel exemple de désintéressement, en se faisant l’auxiliaire, le subordonné de son ancien lieutenant, dont du reste il fut couvert de prévenances.

C’est au moment où les maréchaux se séparaient, et où le maréchal de Noailles venait d’embrasser son neveu le duc de Gramont, qu’un boulet vint frapper le cheval du duc qui s’abattit : « Prenez garde, monsieur, lui dit un officier qui le suivait, votre cheval est tué. — Et moi aussi[2], monsieur, » répondit le jeune duc. Il avait la cuisse fracassée.

Quelques instans après, le maréchal de Saxe vit tomber son meilleur ami, le compagnon de toutes ses campagnes, M. du Brocard, commandant en chef de l’artillerie.

L’attaque des Écossais contre le bois de Barry fut mollement menée. Etonné par les « Grassins, » qui se dressèrent brusquement devant lui, lord Ingoldsby s’arrêta, demanda du secours, et se conduisit si timidement, qu’après la guerre on lui demanda compte de ses actes devant un conseil de guerre.

Il était huit heures du matin. Les dispositions prises par le maréchal avaient donné plein succès. Alors, le duc de Cumberland prit une résolution tellement hardie, déclare le duc de Broglie, que le maréchal n’avait pas songé à s’en garer : celle de s’avancer entre les positions fortifiées du bois de Barry et de Fontenoy.

Si la conception était d’une hardiesse téméraire, l’exécution fut admirable : trois colonnes serrées juxtaposées s’avancèrent sur des pentes escarpées, au milieu de ravins, de coupures, d’obstacles de toutes espèces ; elles traînaient leur artillerie

  1. Marie-Thérèse, Ier vol., p. 401.
  2. Ed., ibid., p. 403.