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l’instruction de ses troupes et tout particulièrement des exercices de tir. Il fit plus, dit l’un de ses biographes, Saint-René Taillandier[1]. Profitant de la paix, il travailla beaucoup, et étudia les mathématiques, la mécanique, l’art des fortifications, toutes les branches du génie militaire.

Le chevalier de Folard, avec lequel il resta très lié, le vit à cette époque. Il a écrit depuis qu’il avait trouvé dans Maurice « un des plus beaux génies de la guerre qu’il eût connus. »

Folard avait un culte pour les auteurs militaires de l’antiquité. C’était un écrivain un peu prolixe mais distingué, dont les œuvres ont eu, plus tard, l’honneur d’être résumées par Frédéric le Grand. Il a pu contribuer à donner à Maurice[2]le goût des anciens. Ce goût était, du reste, très répandu à cette époque-là. Dans l’avant-propos de ses Études militaires, le maréchal de Puységur, qui est mort deux ans avant Fontenoy, raconte qu’il avait voulu faire lui-même un traité méthodique de l’art de la guerre, à un âge où il avait déjà de l’expérience. « On lui conseilla de lire les Grecs et les Romains ; il fut très étonné d’y trouver les idées qu’il avait eu tant de peine à se former par la pratique. »

Et en effet, ils étaient et sont restés bien intéressans, bien instructifs ces vieux auteurs militaires, Xénophon, Végèce, Onosander… Ils ont attiré l’attention des grands capitaines de toutes les époques et ils peuvent être, encore aujourd’hui, étudiés utilement. L’esprit de l’homme ne se transforme que lentement. Les cœurs qui battaient à Marathon, à Mantinée, comme à Cannes, à Zama, comme à Fontenoy et à Austerlitz, se ressemblent à s’y méprendre.

Sont-ce ces vieux auteurs qui ont inspiré Maurice de Saxe ? Est-ce Onosander dont il portait toujours sur lui, dit-on, dans sa jeunesse, la Science du chef d’armée ? Avait-il pris des notes en les étudiant en 1720 ? et a-t-il mis ces notes au clair pour écrire Mes Rêveries en 1732, pendant les loisirs d’une convalescence ? Ce n’est pas impossible.

Ce qui est également surprenant, ajoute le duc de Broglie, c’est le style même des Rêveries ; car Maurice de Saxe est

  1. Voyez, sur Maurice de Saxe, les études de Saint-René Taillandier dans la Revue des 1er mai, 1er juin et 1er juillet 1864.
  2. La Revue d’histoire reproduit une lettre que le maréchal de Saxe a écrite au chevalier de Folard, immédiatement après Fontenoy, et qui prouve combien ils étaient restés liés.