Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contre tout ce que son panégyriste lui fait dire ; il le répète dans tous les salons de Paris, et n’a certainement rien de mieux à faire. Tout le monde sait que le maréchal de Saxe, quoique mourant, conduisit seul cette affaire… Le discours que M. de Voltaire fait tenir au duc de Richelieu, et qui décida du succès de la journée, est un tissu d’impertinences qui ne seraient pas vraisemblables dans la bouche d’un homme qui en serait à sa première campagne. Ce qu’il y a d’admirable dans tout cela c’est qu’on perd de vue le maréchal pendant ce temps-là, comme s’il ne s’était pas trouvé à la bataille… On ne relève pas de pareilles infidélités sans mettre tout le sang en mouvement ; et ce récit est le coup le plus sensible que M. de Voltaire ait pu porter à sa réputation. »

La Revue d’histoire, à laquelle j’emprunte cette citation[1], ajoute que la vérité paraît avoir été dite par le duc de Luynes dans ses Mémoires : « Quoique M. de Richelieu ait bien fait dans la bataille, on trouve que Voltaire en a trop dit sur lui, et ceux à qui le succès de cette grande journée est véritablement dû ont paru blessés de ces louanges excessives. »


III

Le duc de Broglie nous a donné, en 1887, dans la Revue des Deux Mondes[2], puis dans son beau livre Marie-Thérèse impératrice, paru en 1890, un admirable récit de la bataille de Fontenoy.

Il y insiste sur le caractère, la situation du maréchal de Saxe, sur les grands services qu’il avait rendus au roi Louis XV, pendant l’hiver de 1744 à 1745 : « Laissé seul[3]à la tête d’une armée réduite, en quelque sorte en l’air sur le territoire étranger, et sans aucune réserve pour le soutenir en cas d’échec, le maréchal avait su maintenir son terrain par une campagne défensive dont la prudence et la vigueur enlevaient, dit avec raison un document contemporain, l’admiration de toute l’Europe. »

L’étonnement se mêlait à ce sentiment, ajoute le duc de Broglie ; car jusqu’alors Maurice de Saxe avait passé plutôt

  1. Revue d’histoire, 1905. 1er vol., p. 419.
  2. Voyez la Revue du 15 juin 1887.
  3. Marie-Thérèse impératrice, Ier vol., p. 353.