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La bataille commença à six heures du matin. On se canonna violemment de part et d’autre.

Le maréchal de Noailles se trouvait alors près de Fontenoy ; il était venu rendre compte d’un ouvrage au maréchal de Saxe. Il rencontra son neveu, le duc de Gramont, colonel des gardes françaises, et l’embrassa. Puis ils se séparèrent pour retourner l’un auprès du Roi, l’autre à son poste, lorsqu’un boulet de canon vint frapper le duc de Gramont. Il fut la première victime de la journée…

Les Anglais attaquèrent trois fois Fontenoy ; les Hollandais deux fois Antoing. Le major-général anglais Ingoldsby chercha, inutilement aussi, à pénétrer dans le bois de Barry, dont il fut repoussé par des partisans appelés « Grassins », du nom de celui qui les avait formés.

Le duc de Cumberland se décida alors à passer entre ce bois et Fontenoy. Les bataillons anglais s’avancèrent en trois lignes profondes, traînant à bras leurs canons. A leur tête étaient le régiment des gardes anglaises et le Royal-Ecossais. Plusieurs de leurs officiers appartenaient aux meilleures familles de l’Angleterre. Quand ils se trouvèrent face à face avec les gardes françaises, ils saluèrent en ôtant leurs chapeaux. Le comte de Chabanes, le duc de Biron qui s’étaient avancés, et tous les officiers des gardes-françaises leur rendirent leur salut.

Milord Charles Hay, capitaine aux gardes anglaises, cria : « Messieurs des gardes-françaises, tirez ! » Le comte d’Auteroche, lieutenant de grenadiers, leur dit à voix haute : « Messieurs, nous ne tirons jamais les premiers. Tirez vous-mêmes. »

Les Anglais firent un feu roulant. Leurs décharges successives, meurtrières, mirent en déroute les gardes-françaises, et leurs voisins les gardes suisses. D’autres troupes d’infanterie intervinrent inutilement. Par ordre du maréchal de Saxe, la cavalerie du comte d’Estrées se précipita sur les Anglais.

Le maréchal était là au milieu du feu, à cheval, dans le dernier épuisement. Il n’avait pas de cuirasse, et était protégé par « un bouclier de plusieurs doubles de taffetas piqué, qui reposait sur l’arçon de sa selle. »

Les Anglais continuaient à s’avancer et ne formaient plus qu’un seul corps… Le maréchal jeta son bouclier et courut faire avancer la deuxième ligne de cavalerie. Quelques régimens d’infanterie vinrent affronter la colonne « par les ordres seuls de