alors un officier de marine, le capitaine de frégate Aubaret, qui avait fait partie de nos expéditions de Chine et de Cochinchine, où il s’était passionné pour les choses annamites. Mais il ignorait comme nous tous les affaires cambodgiennes, et il ne saisit pas la nature des rapports qu’il devait entretenir avec le gouverneur de la Cochinchine, véritable représentant de la politique française. Le plus parfait accord doit exister entre l’agent français à Bangkok et le chef de nos possessions ; c’est une condition indispensable à la marche concordante de nos intérêts. Cette condition n’exista pas. Avec un zèle ardent, trop ardent peut-être dans l’exercice de ses nouvelles fonctions, mais avec le mobile, probablement inconscient, de se manifester à lui-même son indépendance de fraîche date, le commandant Aubaret poursuivit une politique personnelle. Et d’autre part, les deux ministères des bords de la Seine n’avaient pas les contacts permanens et harmonieux qui eussent été d’autant plus nécessaires que la marine avait, avec une inexpérience assez pardonnable des conditions de notre diplomatie, une autonomie plus grande et des facultés d’initiatives intérieures ou lointaines plus étendues.
Se gardant bien de tenir l’amiral de la Grandière au courant de ses intentions et les faisant accepter avec la même discrétion par le ministère des Affaires étrangères, médiocrement intéressé à ces sortes de choses, notre consul réussit à obtenir du roi Mongkut, sans beaucoup de peine on peut le croire, un projet de traité dont l’amiral gouverneur n’eut aucune connaissance, jusqu’au moment où il revint, tout ratifié, de Paris en Cochinchine. Ce traité consacrait de nos mains et couvrait de notre signature la spoliation des provinces cambodgiennes du nord et de l’ouest du Grand Lac, habitées tout entières par des Khmers, spoliation exécutée à des époques assez récentes et par les procédés les plus répréhensibles, eu égard même aux abus de forces très larges dont s’accommodent les diplomaties extrême-orientales-Il coupait en deux l’immense déversoir lacustre des crues annuelles du Mékong, que nous connaissons sous le nom de « Grand Lac, » et qui exerce sur toute la région du Sud de la presqu’île indo-chinoise une gravitation politique et économique particulière, par sa position comme par la fécondité de ses eaux merveilleusement poissonneuses, vivier de ces populations ichtyophages.
De plus, en maintenant au cœur de notre territoire une brèche