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apparence, un peu plus qu’il y a quinze jours. L’homme important, qui était apparu alors comme le deus ex machina, était M. Dujardin-Beaumetz, sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts. On n’a pas oublié qu’il s’était mis à la tête, ou peut-être seulement à la disposition du conseil général de son département, et que d’autres conseils généraux avaient décidé eux aussi d’envoyer des délégués à Paris, pour parlementer avec M. Clemenceau. Les politiciens du Midi, qui avaient été si cruellement maltraités pendant la crise, offraient de la dénouer. M. Clemenceau a reçu les émissaires qu’on lui envoyait ; il a causé avec eux ; on a beaucoup parlé de part et d’autre de « larges gestes de fraternité » qu’il y avait à faire, et qui, si on les faisait, ne manqueraient pas d’amener la pacification. La seule question était de savoir qui ferait le premier de ces gestes, et elle était assez difficile à résoudre parce que l’amour-propre s’y mêlait. M. Clemenceau demandait que les maires retirassent leur démission, et il assurait ensuite le large geste qu’on attendait de lui ; mais les délégués insistaient pour que M. Clemenceau fit spontanément le geste attendu, et ils ne mettaient pas en doute qu’en retour les maires rentreraient dans les mairies et reprendraient leurs fonctions. Au fond, on éprouvait de part et d’autre une grande lassitude et un ardent désir d’en finir : seulement on ne savait pas trop comment s’y prendre.

Le geste qu’on attendait de M. Clemenceau consistait à retirer les troupes et à libérer les prisonniers. Les troupes, il en avait déjà retiré plus de la moitié et il ne demandait qu’à retirer le reste dès que le maintien de l’ordre serait assuré. Mais pour la libération des prisonniers, il y avait une difficulté de forme, assez grave à nos yeux, beaucoup moins sans doute à ceux de M. Clemenceau. Lui-même avait dit quelques jours auparavant et il ne manqua pas de répéter aux délégués des conseils généraux que la libération des prisonniers dépendait uniquement de l’autorité judiciaire, que le gouvernement ne pouvait même pas en délibérer, et que, quant à lui, il ne se permettrait jamais d’exercer la plus légère pression sur la conscience infiniment susceptible d’un procureur général. Ceci dit une première fois, il avait fait venir à Paris M. le procureur général de Montpellier et, dès le retour de ce magistrat à son siège, la Cour avait rejeté comme prématurée la demande de libération des prisonniers. Ceci dit une seconde fois, — celle dont nous parlons, — M. Clemenceau a fait revenir le même procureur général à Paris et, dès le retour de ce magistrat à Montpellier, la demande des prisonniers a été admise et leur libération ordonnée. Mais M. le procureur général, n’en doutez pas, a agi dans