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d’Algésiras. » Mais il fallait bien prouver au Maghzen, d’abord que notre patience avait des bornes, ensuite que les moyens d’action ne nous manquaient pas pour nous faire respecter. Le docteur Mauchamp a été assassiné dans l’intérieur des terres : nous avons occupé Oujda. Nos ouvriers ont été massacrés dans un port de mer : le drapeau français flotte en ce moment sur Casablanca. Ces occupations sont provisoires sans doute, puisque nous nous sommes engagés à ne pas porter atteinte à l’intégrité du Maroc et à la souveraineté du Sultan ; mais elles dureront le temps nécessaire pour que, le calme ayant été rétabli, la police organisée, la sécurité garantie par les institutions prévues à la Conférence, nous ne soyons pas exposés, après avoir abandonné nos gages, à les reprendre, et à revenir après être partis.

Nos intentions ont été partout comprises et appréciées. Il n’y a pas lieu de s’arrêter à quelques articles de journaux plus ou moins mal venus ; encore ont-ils été fort rares ; d’une manière générale notre attitude a été approuvée par l’opinion dans tous les pays du monde ; et, ce qui n’est pas moins précieux pour nous, ce qui l’est même davantage, l’approbation des gouvernemens a confirmé celle de l’opinion. Comment, d’ailleurs, aurait-il pu en être autrement, puisque nous n’avons rien fait qui ne fût en parfaite harmonie avec l’Acte d’Algésiras ? Mais notre politique africaine a provoqué tant de susceptibilités et a rencontré, dans ces dernières années, tant d’entraves inopinées, que le ciel n’est peut-être pas encore purgé de tout nuage et qu’on pouvait craindre que de nouveaux s’y formassent. Heureusement nous n’avions rien à cacher, et nous avons pu, avant d’agir, dire à toutes les puissances dans quelles limites notre action s’enfermerait. Il importe peu, à ce point de vue, que nous ayons été amenés à tirer le canon à Casablanca : ce n’est là qu’un procédé d’exécution. Le programme politique n’en est point changé ; il reste celui que nous avons arrêté avec toutes les puissances. Il appartenait à la France et à l’Espagne seules d’intervenir à Casablanca : les autres n’auraient aie faire que si nous nous montrions inférieurs à notre tâche et si la sécurité de leurs nationaux était compromise. Enfin, rappelons-le une fois encore, nous avons au Maroc des intérêts spéciaux qui nous rendent plus sensibles à ce qui s’y passe, parce que les conséquences en sont pour nous plus importantes et pourraient en devenir plus redoutables que pour qui que ce fût. Et nous avons aussi un titre historique que personne ne nous contestera, qui est d’avoir les premiers, et au prix de grands sacrifices, apporté la civilisation