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déconcerter nos implacables adversaires ; ils seraient trop heureux s’ils pouvaient, à force de provocations et de dénonciations, vous faire sortir du giron de l’Eglise. » En rompant, comme il l’a fait, avec l’Eglise romaine, le Père Hyacinthe s’est trompé non moins gravement sur ses droits que sur son devoir. De ceux qui l’appelaient à Genève il avait exigé l’assurance, sans rien demander pour lui-même, « que la réforme qu’il s’agissait d’entreprendre en commun serait chrétienne, catholique et libérale, chrétienne dans le sens du christianisme positif et révélé, catholique dans le sens du catholicisme traditionnel et historique, moins l’absolutisme romain, libérale enfin par l’abstention de toute mesure oppressive à l’égard des catholiques ultramontains. » On lui avait répondu textuellement : « Nous ne vous appelons pas parmi nous pour vous imposer la plus petite chose ; nous vous demandons au contraire de venir nous éclairer et nous guider. La nouvelle Eglise sera donc ce que vous la ferez. »

Fort de ce billet de La Châtre, le Père Hyacinthe répondit donc à cet appel. Il donna tout de suite à Genève une série de conférences qui le firent acclamer comme un Messie. On l’applaudissait, mais on ne l’écoutait pas. Je veux dire que le mouvement qu’il était convenu qu’il dirigerait échappa presque immédiatement à sa direction. Les lois Carteret lui inspiraient une profonde aversion, et cependant il était loin de prévoir toutes les injustices et toutes les violences que le gouvernement allait bientôt couvrir du manteau de la légalité. C’est pourquoi il se laissa élire curé de Genève le 12 octobre. Mais quand il vit quels étranges collaborateurs, — non pas tous sans doute, — et quels étranges paroissiens le schisme lui amenait, quand il se rendit compte de ce que pouvait produire la subordination du clergé à des conseils composés de laïques dont plusieurs n’avaient de catholique que le nom, quand il comprit qu’il ne lui serait pas possible d’empêcher que les catholiques romains ne fussent indignement spoliés de l’église Notre-Dame à Genève, bâtie avec leur argent, et de celles des églises de la banlieue où la réforme ne pouvait s’appuyer que sur une minorité, quelquefois même sur une minorité insignifiante, alors il écrivit au gouvernement de Genève ce qui suit : « Attaché par le fond de mes entrailles à l’Eglise catholique dans laquelle j’ai été baptisé, dont je désire la réforme, non le bouleversement ; convaincu d’ailleurs par une