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par Hérode qui prétendait lui apprendre à nager ? Oui, celle-là, et pas d’autre. »

Évidemment la situation était bien différente à Genève, où l’État intervenait sans doute dans la nomination des pasteurs, mais seulement pour régler, de concert avec l’Église elle-même et conformément à son principe, les conditions et la forme des élections, tandis qu’en France, c’était le vieux droit ecclésiastique que le Concordat avait partiellement aboli au profit du pouvoir civil, c’était la volonté de l’État que le Concordat avait mise à la place de la volonté de l’Église, notamment pour le choix des évêques et des titulaires de toutes les cures importantes, tandis qu’il supprimait pratiquement pour la masse des petits curés toutes les garanties canoniques. En somme, la petite République de Genève protégeait l’Église nationale, sans que sa protection pût dégénérer en tyrannie, et il la commanditait sans exiger d’elle, en retour de cette commandite, aucune abdication, aucun sacrifice. Or l’Église nationale sera, désormais, commanditée non plus par l’État, mais par les fidèles. Ceux-ci ne se montreront-ils pas de quelque façon plus exigeans que l’État ? Et puisqu’ils paieront, ne vont-ils pas s’aviser de prétendre que leurs pasteurs soient, un peu plus que naguère et plus étroitement, et d’une manière dont la dignité pastorale pourrait avoir à souffrir, à leur service ? Je ne sais si cette crainte est chimérique. Je dois dire que M. Montet ne me l’a exprimée qu’avec une très grande discrétion. Elle est partagée, je le répète, par la plupart des pasteurs antiséparatistes. Des inquiétudes analogues s’étaient manifestées, au lendemain de la loi de 1905’, dans le clergé français. Il y a fort peu de paroisses, si même il y en a, où l’événement les ait justifiées. Mais il est vrai que, dans l’Église catholique, les laïques, façonnés à l’obéissance et, par principe, dispensés de toute initiative, soumis à une hiérarchie fortement organisée dont il leur arrive bien de discuter les directions, mais non pas l’autorité, sont plutôt, par la force des choses, tentés de se désintéresser de l’administration soit spirituelle, soit temporelle, des diocèses et des paroisses, que d’essayer d’y faire prévaloir leurs vues propres, si par hasard ils en ont. Et c’est pourquoi l’expérience française n’est pas de nature à rassurer pleinement les pasteurs genevois.

Ceux-ci peuvent redouter enfin, et ils redoutent en effet, que la séparation n’ait une répercussion fâcheuse sur l’enseignement