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des déclarations, engagemens ou promesses que, dans le baptême ou dans certaines cérémonies, le pasteur officiant demande et reçoit au nom de l’Eglise. » Et toutefois il prévoit que cette teneur pourra être modifiée après communication au consistoire, « qui statuera s’il y a lieu. » Au pasteur qui consent à recevoir la consécration, alors qu’il lui est parfaitement loisible de se contenter de la simple installation, on ne demande que l’engagement d’être fidèle à sa vocation, ce qui est un peu vague. Libre à lui d’y ajouter « les déclarations que lui dicte sa conscience » (art. 22 du règlement général), ce qui ne peut pas le gêner beaucoup. Comment un individualisme aussi absolu n’aurait-il pas eu pour effet, à plus ou moins longue échéance, l’émiettement, la pulvérisation de toute la vieille dogmatique de Calvin ? L’auteur de l’Institution chrétienne aurait bien de la peine à reconnaître son Eglise dans cette sorte de spectre solaire où sont représentées toutes les nuances du protestantisme, de l’extrême gauche du libéralisme à l’extrême droite de l’orthodoxie calviniste.


Au point de vue dogmatique, m’écrivait, il y a quelques jours, un des pasteurs les plus intelligens, les plus avertis de l’Eglise nationale, les pasteurs calvinistes purs n’existent presque plus chez nous. Si l’on en rencontrait encore quelques exemplaires, ils trouveraient plutôt leur place au musée historique de la Réformation. Trinitaires et prédestinatiens sont, à coup sûr, infiniment rares. Si Calvin revenait, il pourrait les chercher avec une lanterne, comme faisait Diogène cherchant « son homme. » En définitive, au point de vue des idées, il existe surtout à Genève un centre droit et une gauche. Les représentans de la Droite ou Extrême Droite sont très peu nombreux. Le fleuve d’hérésie coule à pleins bords, et tel pasteur libéral pourrait signer la plupart des discours de ses collègues orthodoxes. Le peuple genevois veut une Eglise une et ne désire plus revenir au temps des luttes. Il n’aime pas les petites chapelles, les sectes dissidentes, et il appelle mômiers les gens qui hantent les conventicules piétistes et affectent un langage spécial.


Orthodoxes et libéraux vivaient en paix sous l’égide de l’État, ceux-ci rejetant en général le surnaturel, tandis que ceux-là lui font une place, plus ou moins large, mais enfin une place, dans leurs conceptions religieuses. Doctrines manifestement contradictoires, et non pas sur un point particulier du christianisme, mais sur le christianisme tout entier, car il n’y a pas un seul des enseignemens du Christ, et quelle que soit par ailleurs la