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l’homme ici-bas obéit à sa constitution et ne peut presque rien sur sa destinée par sa volonté, c’est de l’opium donné à un malade dont le sang s’arrête de lui-même. Voilà pour le livre ; quant à l’auteur, c’est un homme de beaucoup de talent et fort de mes amis dont je voudrais bien faire un confrère. Ce point de vue me force à louer l’œuvre en faveur de l’ouvrier. Voici ce qui m’est venu dans l’esprit à propos de l’Académie. Rien ne plaît plus à un corps savant que les travaux qu’on fait pour lui. Ne pourriez-vous pas, en dehors de la politique bien entendu, trouver dans le pays où vous êtes le sujet d’un mémoire intéressant sur la législation, l’état social, l’histoire… des nations chez lesquelles vous habitez ? Vous m’enverriez ce mémoire, je le présenterais en votre nom et le lirais. La démarche vous serait, assurément, utile à l’Institut ; mais il ne faudrait pas qu’elle pût vous nuire ailleurs. Demandez-vous bien sérieusement avant d’écrire rien de semblable ce qu’on en penserait au ministère, et ne sacrifiez pas l’affaire principale à la secondaire. En tous cas, choisissez un sujet auquel on ne puisse trouver à redire.

Je me réjouis de l’héritage dont vous me parlez. Nous vivons dans un temps où l’argent est nécessaire même pour faire les choses qui valent mieux que lui. Il faut le mépriser et le garder.

Rappelez-nous particulièrement à votre aimable compagne de voyage et croyez à tous mes sentimens de vive amitié.

A. DE TOCQUEVILLE.


Téhéran, le 20 mars 1856.

Monsieur,

Vos lettres me font un plaisir extrême et en même temps me tiennent en souci perpétuel. Avant de passer à vous expliquer ce souci, je vous remercie tendrement de votre sollicitude pour ma nomination et je fais ce que vous me dites. Je vous envoie aujourd’hui par Adolphe d’Avril un Mémoire sur la Perse pour l’Académie. Mais, comme vous l’indiquez, je fais aussi demander à M. de Walewski l’autorisation de la lecture. Rien qu’il n’y ait rien de politique appliquée là-dedans, encore est-ce nécessaire, vous avez raison. Je n’ai pu m’adresser directement à mon supérieur suprême, parce qu’une réponse était trop longue à avoir. La réponse vous arrivera donc, j’espère, par une cascade