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jusqu’à Fachoda (juillet 1898) et l’on sait comment elle n’y demeura pas. Un traité qui fut alors signé avec l’Angleterre (mars 1899) arrêta en deçà du bassin congolais l’expansion de la colonie française et nous ferma, politiquement au moins, l’accès du Haut-Nil. Notre Congo grandit alors directement au Nord, vers le lac Tchad, atteint par un premier raid de M. Gentil dès 1897 ; pendant quatre années, nous luttons sur le Chari et le Tchad pour abattre la puissance sanguinaire de Nabah, tyran du Bornou. Ce chef négrier est vaincu et tué le 21 avril 1900 ; son fils Fadel Allah succombe l’année suivante : le territoire français du Congo touche depuis au Sahara dont les steppes, — les accords franco-anglais de 1890 et 1899 le stipulent expressément, — forment une zone continue d’influence française entre nos possessions de l’Afrique Mineure, de l’Afrique occidentale et de l’Afrique équatoriale.

Cependant notre Congo n’était encore ni occupé, ni même entièrement reconnu : jusqu’à la ruine des chefs du Bornou, il ne fut qu’un couloir de passage le long duquel tous les fonctionnaires étaient employés à diriger des convois ; on conquérait d’abord, on étudierait ensuite. Mais les succès économiques du Congo belge attirèrent sur la colonie française voisine l’attention étonnée d’abord, puis de plus en plus confiante, voire enthousiaste, de nombreux capitalistes. Par un effort prodigieux de clairvoyance et de ténacité, le colonel Thys, alors officier d’ordonnance du roi des Belges, avait creusé le « canal » d’un chemin de fer entre l’estuaire navigable du Congo et le Stanley-Pool, où convergent en un seul lac 12 000 kilomètres de voies navigables : ivoire et caoutchouc, accumulés dans l’intérieur, coulaient abondamment par le goulot de bouteille ainsi débouché, et c’était, pour les ouvriers intelligens de la première heure, une fortune assurée. Pourquoi, pensa-t-on chez nous, le Congo français rendrait-il moins que le Congo belge ? Sur cette idée l’on fonda le « système des concessions. » Une quarantaine de sociétés, dont le capital dépassait 50 millions, divisèrent entre elles la plus grande partie du Congo français, investies par l’État d’un privilège trentenaire sur les produits du sol, et tenues en échange à des contributions diverses, telles que le service postal sur les fleuves, le réensemencement des plantes à caoutchouc, le partage des bénéfices avec l’Etat au-delà d’un certain chiffre, etc..