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passionnément discutés avant d’être exactement connus. Finissons-en avec ce Congo de la légende et des polémiques : celui de la réalité vaut mieux.


I

Les Français sont établis depuis 1839 sur l’estuaire du Gabon, au fond du golfe de Guinée ; mais ils n’eurent là, pendant quarante ans, que de pauvres comptoirs côtiers, d’où Savorgnan de Brazza partit, en 1875, pour découvrir une des régions restées les plus mystérieuses de l’Afrique. Nous ne raconterons pas ici les voyages de Brazza, son arrivée en 1880 sur le Congo navigable, que venait de descendre Stanley venant de Zanzibar, sa rivalité fiévreuse avec l’illustre explorateur anglais, et finalement le partage qui intervint de l’Afrique équatoriale congolaise entre la France et l’Association internationale africaine, devenue depuis l’Etat indépendant du Congo (1880-1885). Alors Brazza poursuit avec vigueur ses expéditions sur le domaine, sommairement circonscrit, qui nous était laissé ; ses lieutenans sillonnent le pays intermédiaire entre le fleuve Congo et la côte gabonaise, ils s’avancent vers le Nord par la Sanga et l’Oubangui moyen, vers le Nord-Est par le cours supérieur de ce dernier fleuve : ainsi se dessinent, dès l’origine, les avant-postes du Congo français, vers le lac Tchad et vers le Nil. A sa naissance, l’Etat indépendant, dont le souverain est Léopold II, roi des Belges, a été grevé d’un droit de préemption au profit de la France, mais nous avons admis, par traité du 5 février 1895, que ce droit ne serait pas opposable à la Belgique.

La croissance de notre colonie, réduite encore à quelques gîtes d’étapes dispersés sur d’immenses étendues, nous conduisit de bonne heure à fixer nos limites, d’accord avec nos divers voisins : la frontière avec l’Etat du Congo fut arrêtée en 1887 sur l’Oubangui moyen, en 1894-1895 seulement dans le haut pays du Nord-Est. En 1894, une convention intervint avec l’Allemagne, qui est là-bas notre voisine par le Cameroun. Un peu plus tard, quelques hommes d’Etat imaginèrent qu’il était possible par le Congo, l’Oubangui et le Bahr-el-Ghazal, de poser à revers la question d’Egypte devant l’Angleterre : préparée par les expéditions de M. Liotard, la mission Marchand parvint