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Si, dans l’exposition qui va suivre, se rencontraient certaines considérations d’ordre théorique ou philosophique qui, formulées par des gens pratiques, auraient peut-être le défaut de paraître prétendre à la science, nous demanderions au lecteur de vouloir bien cependant continuer à nous suivre, en se disant qu’après tout, il n’y a que deux façons d’envisager les questions : scientifiquement et empiriquement.


I

L’étude du régime général à appliquer aux associations modernes nous met tout d’abord en présence d’un problème dont la solution doit être demandée à la sociologie et à l’histoire. Il s’agit, en effet, de rechercher ce que furent les formes revêtues par les associations dans le passé, d’expliquer les transformations successives qu’elles ont dû subir afin de répondre aux nécessités changeantes des milieux et des temps, et enfin de déduire de ces investigations ce que devront être les groupemens de l’avenir, appropriés aux conditions d’un état social nouveau, et susceptibles de marquer un pas dans la voie du progrès.


De tout temps, les hommes, en s’associant, ont eu en vue soit la défense, la résistance, soit la coopération, soit la poursuite simultanée de ces deux buts.

Il n’y a aucune raison pour les hommes de demander au travail un supplément d’avantages, alors que la possession des fruits du travail n’est pas assurée. L’obligation de prendre chaque jour des précautions en vue de sa défense est, au surplus, défavorable aux satisfactions dont le travail est la source. La sécurité étant ainsi la condition de tout travail, il est permis de conclure que, comme mobile déterminant de l’acte d’association, la résistance a passé avant la coopération.

Ces déductions rationnelles se trouvent vérifiées par les faits. Aux premiers temps de l’histoire de l’association, le seul but poursuivi par les associés est l’organisation de la sécurité. Les hommes forment alors la famille, la tribu. L’histoire rencontre ensuite des associations dont le but est simultanément la résistance et la coopération et portant le nom générique de corporations. Ce n’est qu’en dernier lieu, la sécurité étant assurée, tout