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projet de loi, ainsi que l’éminent président du Sénat, M. le duc d’Ursel, dont la compétence en ces matières est reconnue de tous, — s’étaient unis, pour la soutenir, à la gauche libérale et à la gauche socialiste.

Nous avons tenu à relater ici cet incident parlementaire, non seulement parce qu’il sert à notre étude d’introduction auprès du lecteur, mais aussi parce qu’il montre combien est solide, en matière d’association, le terrain du droit commun.

L’organisation rationnelle et vraiment libérale du droit commun d’association serait l’œuvre législative la plus féconde. En rédigeant la loi qui modifiait celle de 1884 sur les syndicats professionnels et la loi de 1901, M. Waldeck-Rousseau n’avait pas perdu de vue les idées émises à l’étranger quelques années auparavant, sur lesquelles son attention avait été spécialement appelée par des savans et des publicistes français[1] ; mais il s’en était inspiré et les avait mises en application dans une mesure trop restreinte, et avait laissé à accomplir un progrès important. On peut se demander si les malaises moraux et sociaux dont on se plaint aujourd’hui ne sont pas, tout au moins en partie, attribuables à ces lois spéciales et de circonstance ou d’occasion, — constituant autant de déviations du droit commun, — qui, sous prétexte d’organiser l’association dans ses différens domaines, n’ont en réalité organisé que des solidarités énervées, et cependant parfois tyranniques, et n’ont eu d’autre résultat que de paralyser ou de fausser les diverses manifestations du fécond et nécessaire effort d’association.

L’entière liberté individuelle conservée dans la solidarité, l’entière solidarité organisée dans la liberté générale, tel est l’encourageant idéal que doit offrir le libéralisme à l’effort d’association capable de devenir ainsi la seule, vraie et efficace sauvegarde des droits et des devoirs attachés à la personne humaine. C’est dans ces idées que nous avons puisé le désir de contribuer à donner la théorie et la formule du vrai droit commun d’association, droit unique, uniforme, applicable à tous et à tout.

  1. Voyez à ce propos, dans la Revue Politique et Parlementaire (10 décembre 1898), l’article de M. Yves Guyot, intitulé : « le Droit d’association : l’association corporative et l’association contractuelle » et, dans le Journal des Économistes, le compte rendu de la discussion qui eut lieu à la Société d’Économie Politique de Paris sur la question : « De la forme corporative ou de la forme contractuelle des Associations. » (5 mars 1899).