rentrassiez dans son amitié. Pour ce qui est de moi, j’étais plus mort qu’elle, car je ne crois pas que depuis que le monde est monde, il y ait eu un meilleur mariage que le nôtre ; je souhaite qu’il dure longtemps et que j’aie des occasions de vous pouvoir rendre quelque service et vous faire connaître combien je vous honore.
« PHILIPPE.
« Madame vient de me faire appeler pour me prier de vous faire ses complimens et de vous dire qu’elle aurait encore l’honneur de vous écrire et de vous assurer de ses respects. »
Quelques semaines plus tard, Liselotte remerciait sa tante de ses témoignages d’affection. C’est, lui disait-elle, « Monsieur, papa, Votre Dilection et l’oncle » qui m’avez guérie, bien plus que les médecins. « La joie d’être plainte par vous tous a mieux purgé ma rate que les soixante-douze lavemens que ces messieurs m’ont fait donner[1]. »
Tout cela était trop beau. Monsieur et Madame en petits saints, faisant assaut de sentimens édifians et attendrissans : cela ne pouvait pas durer. Avec leurs caractères à tous les deux, des tempêtes étaient inévitables un jour ou l’autre. On conviendra qu’en attendant, Liselotte ressemblait aussi peu que possible à la triste princesse, persécutée et malheureuse, des historiens allemands. Aimée du Roi et de la Reine, estimée et respectée des grands, populaire dans le peuple et redoutée des intrigans, elle s’était fait sa place chez nous, au besoin à coups de boutoir, s’était arrangé, aux dépens de l’étiquette, une existence à son goût, et ne cachait pas combien elle était satisfaite de son sort. Sans doute, la France était un vilain pays, et « la cabale » une amertume quotidienne. Mais, quand on est « une personne très opiniâtre et très résolue, » ainsi qu’en avait très bien jugé Mme de Sévigné[2], on lutte, on triomphe, on pose un pied victorieux sur le dragon, comme les saintes en pierre des cathédrales gothiques. C’est dans cette attitude que nous laisserons provisoirement la princesse Liselotte.
ARVEDE BARINE.