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trois chapitres de la Bible : un de l’Ancien Testament, un psaume et un chapitre du Nouveau Testament. Ensuite je m’habille. Pendant qu’on me coiffe, il vient beaucoup d’hommes de la cour….[1]. » Ces passages prêtent à discussion ; d’autant que les mœurs du temps admettaient parfaitement qu’une femme s’habillât devant des hommes. Un autre texte en fournit la preuve. Il n’est plus de Liselotte ; il est de Mme de Maintenon, dans un écrit sans date trouvé parmi ses papiers et intitulé : Projet de la conduite que je voudrais tenir si j’étais hors de la Cour[2]. Voici le début de cette feuille volante : « Je voudrais me lever à sept heures en été, à huit heures en hiver ; rester une heure en prières avant que d’appeler mes femmes, ensuite m’habiller et voir pendant ce temps-là les marchands, ouvriers, ou les gens à qui on peut avoir affaire… »

Les rites du lever demeurèrent immuables jusqu’à la mort de Madame. La suite de sa journée dépendit des époques et des lieux. Les fragmens qu’on va lire se rapportent tous aux huit premières années de son mariage.

Le tableau suivant, d’un séjour de plusieurs semaines à Versailles, n’a rien d’exceptionnel. Il était de règle, en ce lieu-là, de s’amuser le jour et la nuit, sans une heure de répit : — « Je vous supplie, écrit Liselotte à sa tante Sophie, de vouloir bien me pardonner si je suis restée une éternité sans vous écrire… D’abord je suis allée à Versailles, où nous étions occupés toute la journée. Depuis le matin jusqu’à trois heures de l’après-midi, l’on chassait. En revenant de la chasse, on changeait de costume et l’on montait au jeu, où l’on restait jusqu’à sept heures du soir ; puis on allait à la comédie, qui ne finissait qu’à dix heures et demie du soir ; après la comédie, on soupait ; après le souper venait le bal qui durait jusqu’à trois heures du matin, et alors seulement on allait se coucher. Je vous laisse à penser si j’avais le temps d’écrire[3]. »

Une autre lettre[4]nous montre Liselotte chez elle, au Palais-Royal : « Ici, on ne se lève qu’à dix heures et demie. On va à la messe vers midi. Après la messe, on bavarde avec ce

  1. Lettres du 23 décembre 1710 et du 20 septembre 1714.
  2. M. Geffroy le croit de 1675. Cf. Mme de Maintenon d’après sa Correspondance authentique, t. I, p. 61-62 (Paris, 2 vol. in-18, 1887 ; Hachette).
  3. Lettre du 14 décembre 1676 ; traduction de M. A. A. Rolland (Lettres de la princesse Palatine, 1 vol. in-18, Paris.)
  4. Du 22 mai 1675, à la duchesse Sophie.