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(Lettres patentes du 24 avril 1672). Pour une princesse Liselotte, qui apportait en dot quelques milliers de florins[1], Monsieur était ce que le monde appelle un beau parti.

Venaient ensuite la corbeille et le douaire. Monsieur donnait « des pierreries, bagues et joyaux pour la somme de 150 000 l. » Le douaire de Madame était de 40 000 l. par an, « et outre… le château de Montargis, garni de meubles, comme il convient à sa qualité, pour son habitation et demeure sa vie durant. » Cette dernière clause devait lui être dans la suite une source d’angoisses. Enfin, si Monsieur mourait le premier, sa femme avait trois mois pour renoncer à la communauté.

Quand Madame, beaucoup plus tard, connut nos usages, elle se plaignit amèrement de son contrat, parce qu’il ne marquait pas la différence entre une princesse Electorale et une marchande de la rue Saint-Denis : « Mon contrat de mariage, écrivait-elle à sa sœur Louise[2], a été dressé aussi misérablement que si j’étais la fille d’un bourgeois ; je ne puis comprendre que l’Electeur me l’ait fait signer. » La même législation servant pour Madame et les fournisseurs de Madame, c’était presque insultant. Ainsi nous avions déjà, à de certains yeux, des airs de pays démocratique et révolutionnaire.

Pour le moment, Liselotte ignorait tout des affaires, et elle avait autre chose à penser. On désirait du côté français aboutir « au plus tôt, » et la Palatine avait écrit[3]qu’elle serait le 28 octobre à Strasbourg, pour y recevoir la future Madame des mains de son père. Sa lettre traitait ensuite la question du trousseau : « L’on a fait vitement faire quelques habits et quelque linge, parce qu’il en fallait même un tout blanc pour le jour des épousailles. » Un peu plus loin venait l’article de la chambre de voyage. On sait qu’au XVIIe siècle, les grands emportaient avec eux un mobilier qu’on déballait chaque soir en arrivant à l’étape, et qu’on remballait chaque matin ; précaution qui était pour beaucoup dans la lenteur de leurs voyages. La Palatine écrivait au sujet de la chambre : « Je prends la liberté de vous dire qu’il faudra un petit lit et une tapisserie pour la Princesse seulement pour jusqu’à Metz, car là nous trouverons deux chambres

  1. 32 000 florins d’Allemagne, valant 64 000 livres. La quittance est aux Archives nationales, K. 542, n° 14.
  2. Lettre du 10 décembre 1701.
  3. Lettre à Charles-Louis, du 10 octobre 1671.