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et qui habitait Paris, où elle s’était rendue considérable par son rôle pendant la Fronde. C’était une femme qui passait en France, auprès des fins connaisseurs tels que Retz, pour une manière de génie politique. En Allemagne, dans la famille de son mari, elle était jugée diversement ; son beau-frère Charles-Louis, le père de Liselotte, faisait le plus grand cas de ses conseils et l’employait dans les affaires qu’il avait à Paris ; sa belle-sœur Sophie, duchesse de Hanovre, lui reprochait de manquer de franchise et d’être « fertile en chimères[1]. » En dépit de ces divergences, l’un et l’autre entretenaient avec elle d’excellentes relations, qui se continuèrent après le veuvage d’Anne de Gonzague en 1663, si bien que cette dernière apprit la mort d’Henriette d’Angleterre au cours d’une série de visites à ses parens d’Allemagne. Elle venait de quitter Heidelberg et elle traversait Francfort, quand la nouvelle éclata, jetant partout l’émoi à cause des bruits d’empoisonnement qui volaient avec elle.

La correspondance d’Anne de Gonzague avec Charles-Louis[2]établit qu’il lui vint immédiatement à l’esprit de remarier Monsieur à « la princesse Electorale, » autrement dit à Liselotte. Dès la première lettre qui suit la mort de Madame, elle tâte discrètement le terrain : « (A Francfort, ce 12 juillet 1670). Je suis arrivée en cette ville avec la nouvelle surprenante de la mort de Mme la Duchesse d’Orléans, arrivée en trois heures par une colique. Ce malheureux accident va faire bien du changement en plusieurs manières… J’avoue que cette mort m’afflige fort, et qu’étant tout ce que je suis pour Monsieur, je souhaiterais d’être en France dans un si bizarre malheur… » Suivent des protestations de dévouement, et l’offre de repasser par Heidelberg en revenant de Hanovre, afin de prendre « les ordres » de l’Electeur « sur toutes choses. »

Nous n’avons pas la réponse ; mais on devine par la lettre suivante que Charles-Louis n’avait pas été décourageant : « (A Salmunster, ce 14 juillet 1670)… Je vous rends très humble grâce, monsieur, des bontés que vous avez de prendre part à mon déplaisir. J’ai reçu deux lettres de Monsieur, qui est tout à fait

  1. Lettre à Charles-Louis, septembre 1667.
  2. Publicationen aux den K. Preussischen Staats Archiven, t. XXVI (Leipzig, 1 vol. in-8o ; Hirzel). La correspondance de Charles-Louis avec sa belle-sœur Anne est placée à la fin du volume, à la suite de sa correspondance avec la duchesse Sophie de Hanovre. Ce ne sont que des fragmens, se rapportant au mariage de Liselotte. Les lettres sont écrites en français.