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patrie ? A Saint-Denis, dans cette ville de jardins et de mœurs gracieuses où vivent toutes nos traditions et se propagent les inventions modernes par le cours naturel et non forcé de l’industrie publique, où se perpétue une société stable et patiente, attachée au pays et constante dans sa morale au lieu de la colonie flottante, composite, spleenétique et fêtarde de Tananarive, tout parle de la France, tout les eût discrètement, insensiblement imprégnés de la fraîcheur de notre civilisation. Mais on ne s’est jamais préoccupé de franciser les Malgaches ; ignorant notre histoire coloniale, on a même considéré que c’était une chose impossible ; on a fait une colonisation à l’américaine qui ne correspond étroitement ni à l’évolution de notre expansion séculaire dans l’océan Indien, ni à notre génie national.

A défaut de vues patriotiques, les considérations d’économie eussent pu prévaloir : à Saint-Denis, les services depuis longtemps existans de l’Instruction publique et des hôpitaux eussent été améliorés et adaptés à l’œuvre nouvelle avec des sommes moindres. On ne saurait d’ailleurs instituer d’écoles supérieures que dans un pays où le niveau de l’éducation publique est moyen. Une condition plus importante encore indiquait la Réunion comme le meilleur lieu où les jeunes Malgaches pussent accomplir leurs études : cette île est le seul sanatorium naturel de l’océan Indien ; en vain toutes les autorités compétentes se sont-elles appliquées à en découvrir d’autres à l’intérieur de la Grande Ile ou dans ses annexes : le climat suave et capiteux des cirques intérieurs de la Réunion est seul susceptible de tonifier les organismes que la chaleur des côtes ou les orages des hauts plateaux ont anémiés et alanguis de spleen. Il attire les Anglais et les Allemands des colonies voisines, et le général Galliéni était enfin décidé en 1904, après un voyage, à y diriger les malades de Madagascar ; son projet mérite d’être examiné à nouveau par le docteur Augagneur : c’est à leur chevet et dans les hôpitaux communaux de l’île, véritables musées ethnologiques, que, sous la direction des médecins militaires et dans la compagnie des médecins civils de la Réunion, héritiers des Azéma et des Trolet, rivalisant d’initiative, les plus brillans étudians malgaches et créoles, mêlés en un concours studieux, eussent le mieux observé les maladies, fondant ainsi sur des bases solides et par une collaboration variée la médecine tropicale : livrés à leurs seules ressources, les chirurgiens de l’Etat de Tananarive, qui, pour la