J. Hermann et M. J. Bédier ; en vain a-t-elle prouvé sa force et sa souplesse d’expansion et le plus vivace patriotisme par la conquête de l’île Maurice sur l’inertie hollandaise, par sa participation capitale aux guerres de l’Inde et aux courses héroïques dans l’océan Indien comme aux expéditions de Madagascar, par le peuplement de la Cochinchine, de Nossibé et de la Nouvelle-Calédonie ; en vain est-ce l’initiative de ses habitans et de ses gouverneurs, la constance de leurs efforts dans la Grande Ile et l’insistance de leurs représentans au Parlement qui ont acquis Madagascar à la France, — « c’est la Réunion qui a conquis Madagascar, » déclare M. Gautier, — le Gouvernement général a eu pour préoccupation dominante de ne considérer rien de ce qui y avait été fait, d’écarter tous les créoles qui ne lui étaient point imposés par la protection des députés. On verra ultérieurement quel apport de colons et quelles leçons d’agriculture tropicale les Mascareignes (la Réunion et Maurice) pouvaient fournir à la Grande Terre : il convient de démontrer ici qu’on ne pouvait compter sans elles pour entreprendre l’éducation des races malgaches si on voulait les franciser. Ceux-là mêmes qui ont dénigré âprement ou malicieusement les créoles, volontiers têtus et présomptueux, ont toujours proclamé l’ardeur et l’intensité de leur patriotisme en quelque sorte condensé au cœur des montagnes insulaires pendant les deux siècles derniers de colonisation qui furent aussi deux siècles de lutte avec les Anglais, plus acharnée, étroite et continue qu’en Europe. Si l’on estimait que la meilleure façon de laisser sentir aux Hovas ou aux Betsiléos la valeur de la civilisation, c’était de leur faire apprécier la race française, de leur montrer comment elle use de cette civilisation chez elle, dans ses logis aimables et hospitaliers, si l’on estimait que, pour les assujettir sûrement, doucement et définitivement, par une attraction spontanée, il fallait non point leur inculquer toutes les connaissances des Français, mais les franciser lentement par la sensibilité et le commerce le plus large et le plus enjoué des mœurs nationales, il valait mieux ne pas expédier coûteusement en Europe quelques lauréats, dont les plus distingués sont morts de la poitrine, et en diriger vers la colonie voisine où, retrouvant fixés un certain nombre de leurs compatriotes, ils ne se fussent pas sentis dépaysés. Elevés en camarades au milieu des jeunes blancs, ils y eussent appris à comprendre, non par des leçons, mais par l’accoutumance de la vie quotidienne, nos
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